Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/567

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agents des conservateurs ou verts avaient essayé d’enlever des voix à la liste radicale ; les faux socialistes avaient jeté le masque, et se faisaient sans le moindre déguisement les alliés des réactionnaires. « Les anciens coullerystes, — ces hommes qui ont combattu avec acharnement la Fédération jurassienne et les « bakounistes », et qui au Congrès de la Haye avaient envoyé un mandat de délégué, remis par Marx au blanquiste Vaillant et que celui-ci eut la loyauté de refuser, — les anciens coullerystes, disons-nous, ont marché ouvertement dans les rangs des conservateurs ; et leur chef Coullery figurait sur la liste verte. »

Le Bulletin du 13 mai 1877 publia à ce sujet l’article suivant, qui contient un document dont j’ai promis la reproduction (voir t. Ier, p. 62) :

À propos de M. Coullery, la presse radicale neuchâteloise a publié récemment un document authentique qui prouve que dès 1868 ce digne personnage était un agent du parti conservateur : c’est une lettre confidentielle adressée par Coullery à M.  Favarger, notaire à Neuchâtel[1]. L’original de cette lettre est déposé dans les bureaux du journal le Réveil [de Cernier] : en voici le contenu :

« Chaux-de-Fonds, 8 septembre 1868.
« Monsieur et ami,

« J’ai reçu votre lettre. Je vous remercie. Avez-vous déjà envoyé l’autre ?

« Je vous recommande le porteur de ces ligues, le citoyen D.-H. C’est un jeune homme très capable sous tous les rapports ; il rédige l’article de journal admirablement. Si l’Union libérale[2] n’est pas pourvue, il peut faire son affaire ; veuillez donc le présenter à ces Messieurs du Comité de rédaction.

« Le 12 je vous verrai.

« Votre dévoué
Pierre Coullery. »

Voilà donc quel était l’homme qui s’était coalisé, il y a quelques années, avec les meneurs du Temple-Unique à Genève (MM. Grosselin, Henri Perret, Outine, J.-Ph. Becker, etc.), pour combattre chez nous le parti socialiste révolutionnaire ! Voilà quel était l’homme qui, en avril 1870, dix-huit mois après avoir écrit la lettre qu’on vient de lire, siégeait encore parmi les délégués de l’Internationale autoritaire et marxiste, à ce Congrès de la Chaux-de-Fonds où la scission éclata !

Qui sait quelles révélations l’avenir nous réserve encore, au sujet d’autres personnages qui aujourd’hui, couverts d’un masque socialiste, continuent dans d’autres cantons une œuvre analogue à celle de Coullery[3] ?

On se rappelle que la Fédération jurassienne avait dû continuer à remplir pendant une nouvelle année encore, à la demande du Congrès de Berne, les fonctions de Bureau fédéral de l’Internationale ; le siège de ce Bureau fut placé dans la Section de la Chaux-de-Fonds, par une décision de la majorité des Sections jurassiennes, prise à la fin d’avril. Au commencement de mai, le Bureau

  1. M. Favarger est une des sommités du parti conservateur neuchâtelois. (Note du Bulletin.)
  2. L’Union libérale est l’organe officiel du parti conservateur à Neuchâtel. (Note du Bulletin.)
  3. Il sera parlé, au chapitre XIII (p. 254), de ce qu’étaient devenus, en 1877, quelques-uns des membres de l’ancienne coterie du Temple-Unique à Genève.