Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/576

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un instrument de réaction entre les mains des capitalistes et des intrigants politiques et religieux.

Seulement, tout en se prononçant, dans le cas particulier, contre une demande de referendum, la plupart des ouvriers de Zürich persistent à voir dans ce même referendum, considéré en théorie, l’arme qui doit les affranchir et leur donner la victoire.

N’ouvriront-ils pas les yeux bientôt ? ne s’apercevront-ils pas, après quelques expériences du genre de celle-ci, que leurs chefs politiques leur font faire fausse route ?


Les fabricants zuricois n’eurent pas de peine à réunir les trente mille signatures nécessaires pour que la loi sur les fabriques fût soumise au referendum, et le gouvernement fédéral fixa au 21 octobre la date du vote populaire à intervenir.


Dans la Fédération jurassienne, la même vie intense continuait ; outre les réunions mentionnées par la Bulletin (Neuchâtel, 7, 14 et 21 mai ; Chaux-de-Fonds, 16 mai ; fédération du district de Courtelary, 16 mai, et séances d’études chaque mardi à Saint-Imier et chaque jeudi à Sonvillier), il y avait partout ailleurs, à Berne, à Moutier, à Porrentruy, à Bâle, à Zürich, à Fribourg, à Lausanne, à Vevey, etc, des réunions et des conférences. À Genève, outre la section des typographes et la Section allemande de propagande, adhérentes à la Fédération jurassienne, il s’était reconstitué une Section française de propagande, qui tint quatre réunions dans le courant de mai ; dans la quatrième (26 mai), Brousse, venu de Berne, fit une conférence sur l’État et l’anarchie. En outre, nous écrivait-on de Genève, « quelques membres de la Fédération jurassienne ont pris l’initiative de donner des conférences, tous les dimanches, aux paysans des villages du canton de Genève et surtout de la Savoie : la première conférence de ce genre a eu lieu le 20 mai dans un village distant de deux cents mètres de la frontière française ; environ quatre-vingts ouvriers des champs s’étaient entassés dans une petite salle d’auberge ; ils ont attentivement écouté la causerie qui leur a été faite sur ce sujet : Les paysans avant et après 1789 ; bonne journée pour la propagande, si nous en jugeons par les cris chaleureux de Vive la Commune ! Vive la Sociale ! par lesquels se termina la soirée. Nos nouveaux amis nous ont fait promettre de revenir dimanche prochain. »

Le Congrès de l’Arbeiterbund eut lieu, comme il avait été annoncé, à Neuchâtel, le dimanche de la Pentecôte (20 mai) et les deux jours suivants. Après délibération dans ses sections, l’Arbeiterbund avait décidé que la société du Grütli recevrait l’invitation d’assister à son Congrès, mais que par contre la Fédération jurassienne de l’Internationale ne serait pas invitée. Le Congrès eut lieu dans la salle du Grand-Conseil, mise à la disposition de l’Arbeiterbund par le gouvernement neuchâtelois. « Environ quatre-vingts délégués, tant de l’Arbeiterbund que du Grütli, y ont assisté, tous Allemands ou Suisses allemands, sauf une seule exception, M. Stœcklin, de Fribourg ; et celui-là n’était pas un ouvrier : M. Stœcklin a dit en plein Congrès que la société qu’il représentait s’était jointe à l’Arbeiterbund parce qu’elle ne veut pas de l’Internationale. Quant au public, il ne s’est guère montré : une cinquantaine de personnes garnissaient les tribunes le dimanche après-midi, et cet auditoire était presque exclusivement allemand ; nous n’y avons aperçu, en fait d’auditeurs de langue française, que quelques membres de l’Internationale et le président du Conseil d’État de Neuchâtel (Aug. Cornaz) ; le lundi, il n’y avait plus qu’une douzaine de curieux ; le mardi matin enfin, le public s’était réduit à un seul auditeur, et encore cet auditeur était-il un étranger venu exprès à Neuchâtel pour suivre les débats du Congrès[1]. »

L’acte essentiel du Congrès fut la constitution d’une organisation politique socialiste, qu’on baptisa Sozialdemokratische Partei ; le soin de rédiger un

  1. C’était, je crois, Pierre Kropotkine.