Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/649

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par la masse des électeurs ; que les réformes d’un caractère purement politique (réformes dans le service militaire, instruction gratuite et obligatoire, réformes dans les tribunaux, etc.) ont été mises au premier plan, tandis que les questions qui doivent former l’essence même d’un programme socialiste, telles que celle de la propriété, ont été le plus souvent laissées prudemment de côté.

Ici Liebknecht, qui n’avait pas encore parlé depuis son arrivée, se lève ; il ne peut pas se taire plus longtemps. Il proteste avec véhémence (en allemand), et dit que l’assertion de Guillaume, relativement à la façon dont le programme des démocrates socialistes d’Allemagne aurait été présenté aux électeurs lors des dernières élections, est un mensonge.

Guillaume répond qu’il fournira des preuves, et qu’en attendant il renvoie à Liebknecht son démenti.

Liebknecht, poursuivant, affirme que les socialistes d’Allemagne n’ont jamais caché leur drapeau, et ajoute que, quant à la discussion elle-même, il est résolu à ne pas y prendre part, parce qu’il est venu pour voir s’il y aurait moyen de faire sortir de ce Congrès quelque organisation pratique, et non pour disserter sur des questions théoriques oiseuses. En terminant, il déclare que, dans un premier mouvement de vivacité, il a employé une expression qu’il regrette, et qu’il retire en conséquence le mot de mensonge prononcé par lui.

Guillaume dit que, bien que n’ayant sous la main que fort peu de documents, il démontrera cependant, dans la séance du lendemain, que son assertion repose sur des faits.

La séance est levée ensuite au milieu d’une vive agitation.


Le soir, Liebknecht devait faire, dans la salle du théâtre, une conférence publique (en allemand), qui avait été annoncée par voie d’affiches. « Cette conférence eut lieu en effet ; mais aucun des délégués de l’Internationale n’y ayant assisté, nous ne pouvons renseigner nos lecteurs sur ce qu’a dit le conférencier : il ne pouvait du reste rien nous apprendre de bien nouveau, les vues et la tactique du Parti socialiste d’Allemagne étant suffisamment connues. »


Au début de la séance du jeudi matin, l’incident Liebknecht-Guillaume, resté en suspens depuis la veille, fut vidé :


Entre autres preuves à l’appui de son assertion concernant le programme électoral, Guillaume produisit un fragment du compte-rendu du dernier Congrès de Gotha publié par la Berliner Freie Presse[1]. Ce compte-rendu met dans la bouche du délégué Most (député au Reichstag) les paroles suivantes à l’égard des élections : « En général, on s’est tenu presque partout sur la réserve autant qu’il a été possible... On ne pouvait même plus reconnaître dans les programmes [électoraux] la couleur du socialisme. (Ud im Allgemeinen hat man ja fast allenthalben sich so zurückhaltend wie möglich bewegt... Die Farbe des Socialismus konnte man in den Programmen nicht einmal erkennen.) »

Liebknecht, s’adressant à Guillaume, lui dit : « Jugeant des choses d’après ce passage, vous étiez en droit de parler comme vous l’avez fait (Sie

  1. C’était un journal quotidien, le plus influent des organes du Parti socialiste allemand.