Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/707

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


« À cause de raisons physiologiques, nous jugeons convenable de diviser les enfants et les jeunes personnes des deux sexes en trois classes, qui doivent être traitées différemment.

« La première classe comprend les enfants de neuf à douze ans, la seconde ceux de douze à quinze ans, ni la troisième les adolescents de quinze à dix-huit ans. Nous proposons que l’emploi de la première classe dans tout travail, soit dans les fabriques ou dans les maisons particulières, soit légalement restreint à deux heures, celui de la seconde à quatre heures, et celui de la troisième à six. Pour la troisième classe, il doit y avoir une interruption d’une heure au moins pour le repas et la récréation.

« Il serait désirable que les écoles élémentaires commençassent l’instruction des enfants avant l’âge de neuf ans ; mais pour le moment nous n’avons qu’à songer aux mesures absolument réclamées pour contre-carrer les tendances d’un système social qui dégrade l’ouvrier au point de le rendre un simple instrument pour l’accumulation du capital, et qui transforme les parents en des marchands d’esclaves en leur faisant vendre leurs propres enfants. Le devoir de la société est d’agir en faveur des enfants, et de revendiquer leurs droits puisqu’ils ne peuvent le faire eux-mêmes[1].

« Si la bourgeoisie et l’aristocratie négligent leurs devoirs envers leurs descendants, c’est leur affaire ; jouissant du privilège de ces classes, les enfants sont condamnés à en subir les conséquences.

« Le cas de la classe ouvrière est tout différent. Chaque ouvrier (pris individuellement) ne peut éviter les abominations qui lui sont imposées par ses pressants besoins. Il est trop souvent trop ignorant pour comprendre le véritable intérêt de son enfant ou les conditions normales du développement humain. Cependant la partie la plus éclairée de la classe ouvrière comprend pleinement que l’avenir de sa classe, et par conséquent de l’espèce humaine, dépend de la formation de la génération ouvrière qui grandit. Elle comprend que surtout les enfants et les adolescents doivent être préservés des effets destructeurs du système présent. Ceci peut seulement être accompli par la transformation de la raison sociale en force sociale[2], et, dans les circonstances présentes, nous ne pouvons faire ceci que par des lois générales mises en vigueur par le pouvoir de l’État. En créant de telles lois, les classes ouvrières ne fortifieront pas le pouvoir gouvernemental : de même qu’il y a des lois pour défendre les privilèges de la propriété, pourquoi n’en existerait-il pas pour en empêcher les abus ? Au contraire, ces lois transformeraient le pouvoir dirigé contre elles[3] en leur propre agent. Le prolétariat fera alors par une mesure générale ce qu’il essaierait en vain d’accomplir par une multitude d’efforts individuels.

« Partant de ces points établis, nous disons :

« La société ne peut permettre ni aux parents, ni aux patrons, d’employer pour le travail les enfants et les adolescents, à moins de combiner ce travail productif avec l’éducation. Par éducation, nous entendons trois choses :

« 1° Éducation mentale ;

« 2° Éducation corporelle, telle qu’elle est produite par les exercices gymnastiques et militaires ;

« 3° Éducation technologique, embrassant les principes généraux et scientifiques de tout mode de production, et en même temps initiant les enfants elles adolescents au maniement des instruments élémentaires de toute industrie.

« À la division des enfants et des adolescents en trois classes, de neuf à

  1. J’ai modifié ici une construction incorrecte, en fondant en une seule phrase deux phrases du traducteur, ainsi conçues : « Les droits des enfants doivent être revendiqués puisqu’ils ne peuvent le faire eux-mêmes. C’est pourquoi le devoir de la société est d’agir en leur faveur. »
  2. Le texte allemand, donné par Jaeckh (p. 37), dit : durch Verwandlung sozialer Vernunft in polititsche Gewalt ; au lieu de « force sociale », il parle de « force politique ».
  3. C’est-à-dire contre les classes ouvrières.