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Le pacte d’amitié, de solidarité et de défense mutuelle proposé au Congrès anti autoritaire de Saint-Imier fut approuvé à l’unanimité moins une voix[1]. Et voici ce que c’était que cette voix dissidente :

La fédération de Grenade, peu au courant des questions qui divisent l’Internationale, s’était laissé aveugler par les mensonges des hommes de la Emancipacion (feuille paraissant à Madrid aux frais de MM. Marx et Lafargue). Elle avait en conséquence donné à son délégué mandat impératif de voter en faveur du Congrès de la Haye et de ses partisans. Et, pour plus de sûreté, les rédacteurs de la Emancipacion avaient envoyé au délégué de Grenade une lettre destinée à stimuler son zèle et remplie de sophismes et de calomnies.

Malheureusement pour les créatures de Marx, le délégué de Grenade, le compagnon Mariano Rodriguez, est un homme loyal. À peine fut-il arrivé à Cordoue, qu’il s’aperçut que sa bonne foi avait été surprise et reconnut le néant des calomnies qu’on lui avait fait croire. Pour s’éclairer davantage, il communiqua à quelques délégués la lettre des hommes de la Emancipacion ; et, ayant reçu des explications satisfaisantes, il rédigea une déclaration portant que, « n’ayant lu autrefois que la Emancipacion, il ne connaissait pas le véritable état des choses ; mais qu’éclairé maintenant par les preuves qui lui ont été fournies, il croyait de son devoir de déclarer publiquement qu’il avait été trompé, et qu’il réprouvait la conduite des hommes de la Emancipacion ».

Cette déclaration vient d’être publiée par la Federacion de Barcelone, ainsi que la fameuse lettre des rédacteurs du journal marxiste. Ainsi les manœuvres des intrigants autoritaires ont tourné à leur confusion.

Il va sans dire que le mandat de la fédération de Grenade a été respecté, et que, quoique le délégué eût personnellement reconnu son erreur et eût promis de faire tous ses efforts pour éclairer à son retour les internationaux de Grenade, il ne pouvait être question pour lui de voter autrement que l’ordonnait son mandat. Ainsi s’explique la présence de cette unique voix dissidente au milieu de la formidable unité des délégués du prolétariat espagnol.

Tels sont les détails que nous donne la Federacion, en attendant le compte-rendu officiel du Congrès. Elle ajoute qu’il a été décidé que le Congrès prochain aura lieu à Valladolid.


Il faut ajouter, de plus, que le Congrès de Cordoue transforma le Conseil fédéral espagnol en une Commission de correspondance, dont il plaça le siège à Alcoy[2], ville manufacturière de la province d’Alicante ; deux membres du précédent Conseil fédéral, Francisco Tomás, maçon, et Severino Albarracin, instituteur, firent partie de cette Commission, avec trois membres nouveaux, Vicente Fonbuena, fondeur en fer, José Segui, tisseur en laine, et Rafaël Abad, papetier. La Commission de correspondance fut chargée de publier chaque semaine, à partir du 1er janvier 1872, sous le titre de Boletin, un journal servant d’organe administratif à la Fédération espagnole.


Un mois après les Congrès belge et espagnol avait lieu le Congrès de la

  1. Le texte des résolutions du Congrès de Cordoue relatives aux Congrès de la Haye et de Saint-Imier est reproduit in-extenso dans le Mémoire de la Fédération Jurassienne, pages 280-282.
  2. Prononcez Alcoï.