Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/76

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faire avec l’Internationale ; mais, par des lettres de membres de la Section étrangère de Manchester, j’appris qu’Engels écrivait partout des lettres pour indiquer qui il fallait élire ou ne pas élire délégué au Conseil fédéral anglais. Cela me fit changer d’idée, et j’entrai au Conseil fédéral comme délégué de trois sections.

« Selon moi, si la question politique avait été loyalement discutée à la Haye avec les « abstentionnistes »[1], nous les aurions convaincus. C’est par la discussion que nous avons battu l’opposition [,aux Congrès de Bruxelles et de Bâle,] dans la question de la propriété collective du sol ; par la discussion nous serions arrivés au même résultat dans la question politique. Je connais Schwitzguébel depuis son enfance[2], c’est un honnête homme, accessible à la discussion ; je suis persuadé que nous aurions forcé la conviction des opposants.

« Le matin de l’ouverture du Congrès de la Haye, un de mes amis, qui avait payé la location de la salle du Congrès, rencontra Marx qui lui dit : « Vous voilà obligé de quitter la salle ; mais si vous désirez rester, je puis vous donner un mandat ». Il refusa. La veille, le même citoyen était allé à Rotterdam au-devant de Marx et d’Engels, et, connaissant les dispositions de l’opposition, il conseilla la prudence. Au diable la prudence ! lui répondit-on ; nous avons la majorité, et nous les écraserons. »

Le citoyen Eccarius prit la parole après Jung. « Je n’étais pas dans les secrets du sous-comité, dit-il, mais j’approuve et je confirme pleinement tout ce qui a été dit sur le Congrès de la Haye. Je désire ajouter quelques mots sur la question politique. À la fondation de l’Internationale, il fut décidé que son action serait politique aussi bien que sociale ; mais il était entendu, quoique les statuts n’en fissent pas mention, que les membres de chaque nationalité auraient à déterminer eux-mêmes la nature de leur action politique. Il y a en ce moment trois pays où le premier acte du mouvement ouvrier doit être de faire entrer des ouvriers dans les assemblées législatives, et pour cela il faut, au début, des combinaisons et des alliances avec les hommes avancés de la bourgeoisie[3]. Ces trois pays sont la Suisse, l’Angleterre et l’Amérique. — Il est assez naturel que les Français soient très affligés de leur défaite[4] ; mais nous ne pouvons pas, à cause de cela, transformer le Conseil général en un Comité d’action politique ayant pour mission d’organiser une insurrection prolétaire dans le monde entier. — Pendant la guerre, Sorge et ses amis comptaient sur les électeurs allemands en Amérique, et ils croyaient qu’en sachant s’y prendre, ils pourraient exercer sur le président des États-Unis une pression pour le contraindre à intervenir dans les affaires d’Europe au profit du principe républi-

  1. C’est le mot par lequel on désignait, dans l’entourage de Marx, les partisans de la politique négative, Français, Belges, Jurassiens, Espagnols, Italiens, Russes.
  2. On sait que Jung était Suisse, du Jura bernois.
  3. Le Manifeste communiste avait dit (paragraphe 75) : « En Suisse, les communistes appuieront les radicaux... En Allemagne, le parti communiste luttera aux côtés de la bourgeoisie dans toutes les occasions où la bourgeoisie reprendra son rôle révolutionnaire ; avec elle, il combattra la monarchie absolue, la propriété foncière féodale. »
  4. La défaite de la Commune. Eccarius pense aux blanquistes.