Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/77

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cain. Après la guerre, lorsque quelques Sections américaines entrèrent dans l’Association, Sorge et ses amis prêchèrent l’abstention. Au Congrès de New York [juillet 1872], Robert Blissert, qui présidait, déclara que l’Internationale ne devait prendre aucune part à la politique américaine jusqu’à ce que l’Association fût assez forte pour renverser l’état actuel des choses. Dereure, qui n’était pas depuis un an en Amérique, et qui ne comprend pas un mot d’anglais, exprima la même opinion. C’est exactement la doctrine de Bakounine[1] ; et, chose singulière, en Europe nous[2] combattons les abstentionnistes, en Amérique au contraire le Conseil général a combattu les politiques, et a placé les abstentionnistes à la tête de l’Association. »

Il a été donné lecture ensuite d’une lettre de la Fédération jurassienne[3], exprimant l’opinion que chaque Fédération est seule compétente pour déterminer la nature de son action politique.

Le Congrès anglais a adopté à l’unanimité les résolutions suivantes :

« I. — Considérant que le Congrès de la Haye a été illégalement constitué, que sa majorité était une majorité factice, créée dans le but d’annihiler les véritables représentants de l’Association ; que les résolutions qui y ont été votées sont subversives du pacte fondamental de l’Association, qui reconnaît à chaque fédération le droit de décider sa ligne de conduite ; que le programme de ce Congrès n’a pas été auparavant communiqué aux sections, comme le prescrivent les statuts généraux ; le Congrès de la Fédération anglaise repousse les résolutions prises au Congrès de la Haye et son représentant le soi-disant Conseil général de New York.

« II. — Le Congrès déclare que la Fédération anglaise poursuivra la réalisation du programme social et politique adopté par le Congrès de Nottingham.

« III. — La Fédération anglaise entrera en relations avec toutes les fédérations appartenant à l’Association, et coopérera avec la majorité pour tenir un Congrès international lorsque cela paraîtra désirable. »


C’est avec une véritable rage que Marx parle du Congrès du 26 janvier dans une lettre à Bolte, écrite le 12 février, lettre publiée dans le volume de Sorge. Il s’exprime ainsi :


Le discours de Jung au Congrès dépasse tout comme stupidité et infamie. C’est un tissu de commérages mensongers, de calomnies, de radotages imbéciles. Ce garçon vaniteux semble atteint d’un ramollissement du cerveau. Il ne peut pas en être autrement et il faut en prendre son parti : le mouvement use les gens, et, dès qu’ils sentent qu’ils ne sont plus dans le mouvement, ils tombent dans la grossièreté, et cherchent à se persuader que c’est la faute de celui-ci ou de celui-là s’ils sont devenus des canailles... Eccarius a déclaré très naïvement qu’il faut faire de la politique en s’alliant avec les bourgeois. Depuis longtemps son âme a soif de se vendre (Seine Seele dürstet seit lange nach Verkauf).

  1. Bakounine n’a jamais parlé de cela. Eccarius ne savait rien de précis sur les idées de Bakounine.
  2. « Nous », c’est-à-dire les membres de l’ancien Conseil général restés fidèles à la tactique recommandée par le Manifeste communiste.
  3. Celle du 17 novembre 1872, reproduite plus haut p. 26.