Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/87

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fervescence générale des esprits pour faire une propagande populaire sur une vaste échelle ; qu’elle organise le prolétariat là où il n’est pas organisé encore ; qu’elle force le gouvernement à licencier l’armée et à armer le peuple ; qu’elle crée dans chaque localité des comités d’action, et que ces comités correspondent activement entre eux ; qu’elle profite de chacune des fautes du gouvernement pour détromper ceux qui auraient pu conserver cette dangereuse illusion que la république c’est l’affranchissement du peuple ; enfin que, toujours en éveil, elle se tienne prête pour toutes les circonstances, et que, si elle n’est pas encore assez forte pour faire la révolution, elle sache au moins l’être assez pour empêcher la consolidation et le fonctionnement régulier de n’importe quel gouvernement.

Voilà sans doute le programme que se sont déjà tracé nos amis espagnols…


Je reparlerai plus loin de l’Espagne, et des mouvements qui s’y produisirent dans l’été de 1873.


Les arrestations faites en France en décembre 1872 eurent pour conséquence plusieurs procès, dont les deux principaux furent celui de Denfraygues à Toulouse (10-28 mars 1873) et celui de Van Heddeghem à Paris (10 mars). Je ne les raconterai pas en détail ; je me bornerai à reproduire une lettre de moi, une lettre de Jules Guesde, et un extrait d’un article du Bulletin.

Le 7 février 1873, avant le commencement des procès, j’écrivais ce qui suit à un international belge, à Verviers[1] :


Serraillier nous a écrit une lettre pour éreinter ce citoyen Bousquet qu’on avait proposé d’exclure à la Haye. Le Comité fédéral jurassien avait décidé l’insertion de cette lettre au Bulletin, en témoignage de notre impartialité[2]. Mais après ce qui vient de se passer dans l’Hérault et ailleurs, il me semble que ce serait un acte de la plus haute imprudence que de continuer dans nos colonnes une discussion relative à un homme qui habite Béziers, et de le désigner tout haut comme membre de l’Internationale. Qu’en pensez-vous ? Croyez-vous qu’il vaille mieux, dans l’intérêt de nos amis poursuivis en France, supprimer la lettre de Serraillier ; ou bien que, mettant la réputation de bonne foi du Bulletin au-dessus de la sécurité de nos amis, nous devions insérer la lettre quand même ?

J’ai reçu une lettre du fameux Cuno, président de la Commission d’enquête sur l’Alliance. Il m’écrit d’Amérique, où il paraît avoir fondé une section, et sa lettre est si cocasse que nous nous empresserons de la publier dans le Bulletin, comme d’ailleurs il le réclame[3].

  1. Lettre publiée par Nettlau dans sa biographie de Bakounine, p. 746.
  2. Voir ci-dessus p. 38.
  3. Cette lettre, qui portait le timbre de la Section 29, de Paterson, était relative au Congrès de Saint-Imier. Cuno l’ayant aussi envoyée à d’autres journaux, qui l’insérèrent, le Bulletin ne la publia pas. La lettre était signée : « Federico Capestro (au Congrès de la Haye sous le nom de Cuno) ». Le Bulletin se contenta de cette remarque : « La mascarade du Congrès de la Haye se continue de l’autre côté de l’Océan. S’appelle-t-il Cuno ? s’appelle-t-il Capestro ? Mystère ! L’homme qui s’acquitta d’une façon si grotesque du rôle de président de la Commission d’enquête sur l’Alliance persiste à couvrir son individualité d’un voile impénétrable. Laissons-le dans cette obscurité et occupons-nous de choses sérieuses. » Engels, dans une lettre à Sorge du 20 mars 1873, se plaint de la maladresse de Cuno, qui compromet l’ancien Conseil général.