Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Au sujet des arrestations dans le Midi de la France, j’ai reçu des nouvelles positives. Nos amis français affirment que ce sont deux agents marxistes, Calas et Swarm (déjà nommés dans notre circulaire confidentielle[1]), qui ont dénoncé leurs propres camarades. En effet, tous les individus arrêtés sont des marxistes ou des indifférents. Un seul des nôtres a été dénoncé : c’est Paul Brousse, qui a pu se soustraire au mandat d’amener et s’est réfugié à Barcelone.

Pour ce qui concerne Calas, il est atteint et convaincu de mouchardise ; Brousse en a donné les preuves publiquement. Quant à Swarm, dont le vrai nom est Dentraygues, Guesde m’écrit de Rome qu’il n’y a à son égard que de forts soupçons, et qu’une enquête se fait en ce moment.


Le procès de Toulouse changea, à l’égard de Dentraygues, les soupçons en certitude. Jules Guesde nous écrivit à ce sujet la lettre suivante, qui fut publiée dans le Bulletin (numéro du 15 avril 1873, article intitulé Les proconsuls marxistes en France) :


Rome, 29 mars.

Chers compagnons.

Vous avez bien voulu, il y a trois mois[2], signaler à l’Internationale tout entière les agissements des agents de Marx dans le Midi de la France. Et, par mon intermédiaire, nos compagnons français vous remercient de votre courageuse initiative.

Aujourd’hui, les soupçons, les probabilités se sont changés en preuves. Le Swarm qui, après avoir contribué à expulser à la Haye Bakounine et Guillaume de notre Association, avait ensuite, de son autorité privée, étendu cette expulsion au compagnon Paul Brousse de Montpellier, vient de se révéler devant le tribunal de Toulouse sous son vrai jour. Sous prétexte d’affilier les ouvriers de notre Midi à l’Internationale, et grâce aux pleins-pouvoirs de Marx, il rabattait le gibier socialiste dans les filets de la police thiériste.

C’est lui qui a dénoncé les trente-six victimes de Toulouse, les quatre victimes de Béziers, etc. ; et c’est son témoignage qui les fait condamner à l’heure qu’il est.

Il s’appelle de son vrai nom Dentraygues.

« Vous êtes la cheville ouvrière de l’accusation », a pu lui dire en face le président de la Cour, sans soulever de sa part la moindre protestation.

Qu’aurait-il pu d’ailleurs articuler pour sa défense ? Dans sa déposition écrite comme dans ses réponses au tribunal, n’a-t-il pas été à l’égard de ses dupes l’auxiliaire, le chien du ministère public ?

« J’ai plaidé beaucoup, beaucoup d’affaires de ce genre, — a déclaré l’avocat d’un des prévenus, M. Floquet, — et j’en ai une longue pratique ; j’ai eu de plus l’occasion de lire, après le 4 septembre, les dossiers des dénonciateurs que l’on avait vu surgir dans des affaires de cette nature. Eh bien, j’affirme ne jamais en avoir vu d’aussi cyniques que Dentraygues. »

Et un autre défenseur, Mie, de Périgueux, d’ajouter : « À chaque difficulté de l’accusation, le ministère public s’écrie : « À moi, Dentraygues ! »

  1. Voir ci-dessus p. 38.
  2. Il y avait plus de trois mois que la circulaire avait de envoyée.