Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/165

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dans l’église du Locle, au grand déplaisir de l’abbé Bezancenet, notre dernier curé. Farel, bien plus mal accueilli à ses débuts que ne l’a été M. Buisson, finit par se faire des partisans, et quelque temps après les bourgeois de Neuchâtel décidaient, à la majorité de quelques voix, l’abolition du culte catholique. En écoutant M. Réville prononcer, dans le temple de la Chaux-de-Fonds, son ardent réquisitoire contre les turpitudes de l’orthodoxie, je ne pouvais m’empêcher de me rappeler cela : et tout fait prévoir que les choses iront comme au temps de Farel, et que l’orthodoxie chez nous n’a plus que quelques jours à vivre : l’immense majorité de la population est détachée du clergé. (Lettre du jeudi 22 avril 1869.)


Le no 8 du Progrès, qui parut le 17 avril, contenait une réponse au Journal de Genève, à propos de Proudhon et de la célèbre proposition du 31 juillet 1848, relative à un impôt du tiers sur les revenus ; j’en profitais pour mettre sous les yeux des lecteurs quelques épisodes de cette séance de l’Assemblée nationale où Proudhon fut flétri par un ordre du jour outrageant, voté par 691 voix contre 2. Dans une troisième lettre, Bakounine achevait ce qu’il avait à dire de l’histoire de la bourgeoisie française, et la louait d’avoir opposé son utilitarisme à l’idéalisme tant politique que religieux. Le numéro se terminait par la première partie de mon étude critique de l’Ancien-Testament, sous le titre d' « Examen du christianisme ».


La grève du bâtiment, à Genève, s’était terminée le 10 avril par la capitulation des patrons ; mais celle des typographes devait se prolonger jusqu’en juin. D’autres événements encore agitaient les esprits pendant ce printemps de 1869 : à Paris, les réunions publiques, où les théories communistes étaient de plus en plus applaudies ; en Belgique, les massacres de Seraing et de Frameries, et l’arrestation d’Eugène Hins, membre du Conseil général belge. Je transcris un passage d’une lettre écrite après la lecture du journal l’Internationale du 17 avril :


En même temps que ta lettre, on m’a apporté un journal belge. J’y ai jeté les yeux, et je vois qu’on y donne les détails de l’affreux massacre que les soldats ont fait dans les charbonnages de Seraing. Tu auras peut-être vu, dans nos journaux, quelques-unes des calomnies qu’ils ont débitées à propos de cet événement. Ici, dans la relation donnée par mes amis belges (que je connais comme des hommes droits, haïssant le mensonge et ne craignant rien), je trouve la vérité. Pauvres ouvriers belges ! Mais patience : le travail de propagande socialiste avance rapidement : l’Europe tout entière est enveloppée dans un immense réseau, et le jour de la justice viendra bientôt. (Lettre du 18 avril 1869.)


Si j’essayais, dans ces pages, de faire l’histoire de l’Internationale dans la Suisse française, je devrais parler avec détail de ce qui se passait à Genève ; et il faudrait aussi, au lieu de reproduire uniquement des articles du Progrès, faire une large place à ceux de l’Égalité, qui offrent un tableau intéressant du mouvement socialiste international à cette date. Mais je n’écris que des souvenirs personnels, me bornant à raconter ce que j’ai vu, dans le cercle étroit où j’étais enfermé. Je dois donc me limiter à dire quelques mots seulement de notre organe fédéral.

L’Égalité avait publié, dans ses treize premiers numéros (du 23 janvier au 17 avril), de nombreux articles de Perron, quatre articles de De Paepe sur les Malthusiens (no 1,2, 3, 5), une étude de J.-Ph. Becker sur la coopération (no 2, 4, 5, 6), une autre de Malon sur la propriété individuelle (no 7, 8) ; des correspondances d’Eccarius (no 1, 3, 4, 5, 7, 8, 13), de De Paepe (no 1, 4, 6), de Varlin (no 4, 11), de Malon (no 6), de Combault (no 9, 10),