Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/167

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Le défaut d'espace ne nous permet pas d'insérer ces deux lettres. En présence de la coalition des patrons qui menace de nous affamer, nous avons autre chose à dire et à faire qu'à polémiser contre le socialisme bourgeois.


Comme épilogue à cet incident, l’Égalité du 10 avril (n° 12) publia ce simple avis : « Nous avons le regret d'annoncer que Mme André Léo ne continuera pas de collaborer à la rédaction de l’Égalité ».

Absorbé par la rédaction du Progrès, jusqu'à ce moment je n'avais rien écrit pour l’Égalité, en dehors de la courte lettre publiée dans le n° 4. Perron et Bakounine insistèrent vivement pour que ma collaboration devînt effective ; ils me demandèrent d'écrire une série d'articles sur l'abolition du droit d'héritage, question qui serait probablement discutée au prochain Congrès général. Je refusai d'abord, pour deux raisons : je ne possédais pas les connaissances spéciales nécessaires pour traiter le sujet ex professo ; et, en outre, il me paraissait que la question du droit d'héritage se confondait avec celle de la propriété collective : une fois la propriété socialisée, l'héritage a disparu. Mais on insista ; et alors, surmontant ma répugnance, je me résignai à écrire, comme un devoir d'écolier, quelques pages que j'envoyai le 14 avril à Bakounine, en lui disant d'en faire ce qu'il voudrait. Il me répondit le 19, en m'invitant à profiter des vacances du printemps (fin d'avril) pour aller passer un ou deux jours à Genève avec le père Meuron :


Si tu ne peux nous donner qu'un seul jour, il faut au moins que ce jour soit complet, c'est-à-dire que tu arrives le soir de la veille, que tu passes avec nous tout le lendemain, et que tu repartes le sur-lendemain matin. De cette manière, nous aurons à notre disposition un jour et deux demi-nuits, ce qui, à la rigueur, nous suffira. Mais il nous les faut — car le service avant tout. Tu logeras et coucheras chez moi, ainsi que le Papa Meuron, que je serai, que nous serons tous heureux d'embrasser et de voir présider parmi nous. Fritz [Heng] me va de plus en plus. Il est nôtre de caractère, de volonté, de passion et de cœur, et il ne tardera pas à le devenir d'esprit. — Tu trouveras probablement ici le jeune barbare[1].

Ton article sur le droit d'héritage n'est pas du tout mauvais. Seulement, il est incomplet. On voit que tu l'as écrit à la hâte. Comme tu nous as permis de l'arranger, je me suis permis d'en ôter un paragraphe sur la collectivité[2], qui, excellent par lui-même, n'entre pas bien dans la série des pensées développées dans l'article, et d'y en intercaler deux autres qui m'ont paru nécessaires pour le compléter[3]. Si j'ai mal fait, tu me tireras les oreilles, et voilà tout.


Mon article parut dans l’Égalité du 1er mai. En voici, à titre de document sur l'état de mes idées en la matière, les principaux passages, avec les deux alinéas ajoutés par Bakounine :


Du droit d'héritage.

Il y a six mois, au Congrès de Bruxelles, il a été reconnu par les délégués des Sections de tous les pays que le sol et les machines

  1. Netchaïef.
  2. J'avais particulièrement insisté sur la nécessité de la propriété collective, et sur le lien entre les deux questions : c'était la socialisation de la propriété qui, à mes yeux, était le moyen de supprimer le droit d'héritage, et non point, à l'inverse, l'abolition du droit d'héritage qui serait le moyen de réaliser la socialisation de la propriété.
  3. Bakounine avait tenu à introduire dans l'article une protestation contre l'État.