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Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/175

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Avions-nous tort de dire que nos milices pouvaient être employées au massacre des travailleurs, et que la bourgeoisie suisse imiterait un jour l’exemple de la Belgique ?

Honte au Conseil d’État vaudois ! À cette provocation à la guerre civile, les ouvriers répondront par un calme méprisant. Ils tiendront ferme, et ils sortiront vainqueurs d’une lutte qu’ils veulent pacifique, et que la bourgeoisie voudrait voir sanglante.


La cinquième lettre de Bakounine traitait du « patriotisme », et annonçait l’intention d’en analyser successivement les principaux éléments, à savoir : 1o l’élément naturel ou physiologique ; 2o l’élément économique ; 3o l’élément politique ; 4o l’élément religieux ou fanatique. C’est dans cette lettre que se trouvait une expression qui fut immédiatement exploitée par nos adversaires ; Bakounine avait écrit, sans se douter que cette constatation purement scientifique ameuterait tant de gens contre lui :


Le patriotisme naturel est un fait purement bestial, qui se retrouve à tous les degrés de la vie animale, et même, on pourrait dire, jusqu’à un certain point, dans la vie végétale… La plante la plus puissante, celle qui se trouve être le mieux adaptée aux conditions particulières du climat et du sol, tend naturellement à étouffer toutes les autres. C’est une lutte silencieuse, mais sans trêve… Dans le monde animal, la même lutte se reproduit, seulement avec plus de mouvement dramatique et de bruit ; ce n’est plus un étouffement silencieux et insensible ; le sang coule, et l’animal déchiré, dévore, torturé, remplit l’air de ses gémissements. L’homme enfin, animal parlant, introduit la première phrase dans cette lutte, et cette phrase s’appelle le patriotisme.


Venait ensuite, sous ce titre, « Le socialisme espagnol », la traduction d’une Adresse « Aux ouvriers des autres pays », publiée par le journal la Legalidad, paraissant à Gracia (Catalogne). Cette Adresse, pleine d’une ardente et naïve confiance, m’avait vivement touché, et je l’avais traduite en conservant de mon mieux l’accent de l’original ; elle disait :


Nous vous saluons, ouvriers éclairés (ilustrados) des pays qu’on appelle étrangers.

Pour nous, qui vivons du travail, qui ne voulons d’autre patrie que la grande patrie du travail, source de tout bien, vos pays ne sont pas étrangers, vous n’êtes point des étrangers vous-mêmes : vous êtes nos véritables frères. À bas les frontières !

Vers vous nous tenons nos regards dirigés ; vers vous nous dirigeons nos pensées, afin que de vous notre intelligence reçoive une meilleure nourriture, en quantité et en qualité.

Les idées nouvelles viennent de vous. L’émancipation du peuple travailleur a été commencée par vous. Salut donc, salut fraternel.

… Tremblez, tyrans de tous les pays : les ouvriers s’éveillent déjà de la funeste léthargie où votre despotisme les tenait assoupis… La rédemption du prolétariat approche. Les ouvriers de tous les pays sont frères.


La quatrième page était occupée par l’article écrit le 26 mai, à l’occasion de la mort de la pauvre Jeanne Brismée. Le voici :