Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

du Mémoire de la Fédération jurassienne[1] les débuts de l’Internationale dans la Suisse française :


La fondation des Sections internationales dans la Suisse romande date de 1865.

Un médecin du Jura bernois, domicilié alors à la Chaux-de-Fonds, Pierre Coullery, connu depuis 1848 dans le Jura suisse par sa propagande démocratique et humanitaire[2], se mit en relations avec le Conseil général de Londres, et fonda la Section de la Chaux-de-Fonds, qui parvint tout d’abord au chiffre de quatre à cinq cents adhérents.

Sous l’influence de Coullery furent bientôt créées d’autres Sections dans le Jura : celles de Boncourt (février 1866), de Bienne, de Sonvillier[3] (mars), de Saint-Imier, de Porrentruy (avril), de Neuchâtel (août). La Section du Locle fut fondée en août 1866 par Constant Meuron[4], vieux proscrit de la révolution neuchâteloise de 1831, et par James Guillaume[5].

Dès 1865 existaient également des Sections à Genève, Lausanne, Vevey et Montreux. La Section de Genève avait été fondée principalement sous l’influence du socialiste allemand Jean-Philippe Becker[6] qui créa en janvier 1866 le journal mensuel le Vorbote, pour servir d’organe aux Sections de langue allemande.

  1. Mémoire présenté par la Fédération jurassienne de l’Association internationale des travailleurs à toutes les Fédérations de l’Internationale ; Sonvillier, au siège du Comité fédéral jurassien, 1873 ; 1 vol. in-8o. Ce Mémoire fut rédigé, du printemps de 1872 au printemps de 1873, en exécution d’une décision du Congrès de Sonvillier (12 novembre 1871) : c’est moi qui ai tenu la plume.
  2. Le Dr Coullery avait déjà quarante-six ans en 1865.
  3. La Section de Sonvillier compta, dès le début, au nombre de ses membres un jeune ouvrier graveur, Adhémar Schwitzguébel. né en 1844, qui devait jouer un rôle considérable dans le mouvement socialiste en Suisse.
  4. On trouvera dans le second volume de ces Documents et Souvenirs la reproduction d’une notice nécrologique sur Constant Meuron, publiée dans le Bulletin de la Fédération jurassienne du 15 mai 1872. En 1866 il avait soixante-deux ans. Quoique appartenant à une branche d’une famille de l’aristocratie neuchâteloise, les de Meuron (il n’usait pas, pour son compte, de la particule), il avait été, en 1831, l’un des chefs de l’insurrection républicaine de Neuchâtel. Arrêté l’année suivante à Berne, et livré à l’autorité prussienne par le gouvernement bernois, il fut condamné à mort à Neuchâtel ; toutefois, le roi de Prusse consentit à commuer la peine capitale en celle de la détention perpétuelle. Enfermé dans la prison que flanque la vieille « Tour de César », à Neuchâtel, il réussit, en 1834, à s’évader avec l’aide de sa vaillante femme, Émilie Fasnacht (de Morat), qui lui fit passer, cachée dans un pain, une lime, avec laquelle il scia un barreau de fer d’une fenêtre de la prison. Il dut vivre en exil jusqu’en 1848 ; la révolution du 1er mars lui permit de rentrer dans le canton de Neuchâtel, devenu république. Il se fixa au Locle, et y vécut, d’abord comme ouvrier guillocheur, puis comme comptable dans l’atelier de M. Adolphe Huguenin, monteur de boîtes. À l’automne de 1869, il se retira à Saint-Sulpice, sa commune d’origine, où il mourut en 1872.
  5. J’avais alors vingt-deux ans et demi. Après des études commencées à Neuchâtel et continuées à la Faculté de philosophie de l’Université de Zurich, j’avais accepté, en août 1864, pour un an, la place vacante de professeur d’histoire et de littérature à l’École industrielle du Locle qu’était venu m’offrir, au nom de la Commission d’éducation de cette ville, le directeur de l’Ecole, M. Barbezat ; mon intention était, l’année achevée, d’aller poursuivre mes études à Paris. La mort, survenue en février 1865, d’un frère plus jeune, qui s’essayait à la peinture et que j’avais compté emmener à Paris avec moi, changea ma destinée : renonçant à mon projet, je résolus de rester au Locle ; je passai l’examen d’État, et, à l’expiration de l’année scolaire, je fus nommé professeur à titre définitif (août 1865).
  6. Jean-Philippe Becker avait été l’un des chefs de l’insurrection badoise de 1849, et vivait depuis ce moment à Genève. Lorsque Lassalle fonda en 1863 l’Association