Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/19

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Dans toutes ces Sections primitives, la conception de l’Internationale était encore fort mal définie. Le mot d’ordre avait été jeté aux échos : « Ouvriers, associez-vous ! » Et l’on s’était associé, groupant tous les ouvriers indistinctement dans une seule et même Section. Aussi les éléments les plus hétérogènes, pour la plupart fort peu sérieux, se coudoyaient alors dans les réunions de l’Internationale, et l’influence était à ceux qui savaient broder les plus belles phrases sur ce thème d’un vague si complaisant : « Dieu, patrie, humanité, fraternité ».

Dans plus d’une localité, l’Internationale ne faisait qu’un avec le parti politique radical, et certaines personnalités ambitieuses cherchaient déjà à se faire d’elle un simple moyen d’arriver à un emploi dans le gouvernement.

À la Chaux-de-Fonds, cependant, les radicaux, qui d’abord avaient patronné l’Internationale, s’aperçurent bien vite qu’ils ne pourraient pas dominer et exploiter à leur profit le mouvement ouvrier, et ils cherchèrent à l’étouffer au berceau. Le National suisse, journal radical de la Chaux-de-Fonds, commença dès lors contre l’Internationale une guerre de calomnies et d’attaques personnelles. Il en fut autrement à Genève, où les organes radicaux, la Suisse radicale et le Carillon, se montrèrent, dans un but intéressé, sympathiques à l’Internationale : ils comptaient sur elle pour rétablir le gouvernement de James Fazy, qui venait d’être renversé.

Coullery, en qui se personnifiait alors l’Internationale dans les cantons romands de la Suisse, déployait la plus grande activité pour la propagande. Il donnait meetings sur meetings, prêchant de village en village l’union des travailleurs et la fraternité.

Il voulut avoir un journal à lui, et, n’ayant pu trouver d’imprimeur, il créa lui-même une imprimerie à la Chaux-de-Fonds. Le journal parut sous le titre de la Voix de l’Avenir ; son premier numéro porte la date du 31 décembre 1865.

La Voix de l’Avenir, quoique fort mal rédigée, et n’ayant d’autre programme qu’une sorte de néo-christianisme humanitaire, trouva de nombreux lecteurs, non seulement en Suisse, mais en France. Il faut dire que c’était à ce moment presque le seul organe socialiste qui se publiât en langue française[1].


L’article 3 des Statuts provisoires de l’Internationale disait : « En 1865 aura lieu en Belgique la réunion d’un Congrès général ». Mais le Conseil général dut reconnaître que la convocation d’un Congrès serait prématurée en 1865, et qu’en outre la Belgique ne pourrait pas offrir l’hospitalité aux délégués, à cause de la loi sur les étrangers que le gouvernement belge venait de faire voter. Au lieu d’un Congrès, on se contenta d’une simple Conférence, qui se réunit à Londres du 20 au 29 septembre 1865. Paris y fut représenté par Tolain, Fribourg, Charles Limousin et Eugène Varlin ; Bruxelles par César De Paepe[2] ; Genève par le Français Dupleix et l’Allemand J.-Ph. Becker ; les autres membres de la Conférence étaient des Anglais, Odger, Cremer, Wheeler, Howell, Weston, etc., ou des étrangers habitant Londres, Dupont, Vésinier, Lelubez, Hermann Jung, Karl Marx,

    générale des ouvriers allemands (Allgemeiner deutscher Arbeiterverein). J.-Ph. Becker avait adhéré à cette organisation ; mais il en sortit en 1865, quand Schweitzer, le successeur de Lassalle, parut vouloir se ménager les bonnes grâces de Bismarck.

  1. Il y en avait deux autres en Belgique, la Tribune du Peuple et la Liberté.
  2. Prononcer « De Pâpe ».