Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/263

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résultat que de faire ressortir l'immoralité des moyens qu'emploient les détenteurs du capital pour se soustraire aux réclamations toujours modérées des prolétaires... En présence de cette situation, que pouvons-nous faire ? l'obole de la solidarité que l'ouvrier prélève sur son nécessaire, l'association même, sont manifestement insuffisantes ; le mal est trop profond, il faut d'autres remèdes. Ce remède ne peut être que dans une transformation radicale de notre état social. Cette transformation, objet de tous nos vœux, nous l'appelons de toute notre énergie. » Si les Parisiens n'envoyèrent pas d'argent, on vit par contre, chose extraordinaire, les ouvriers de Naples faire entre eux une collecte pour les grévistes silésiens, et envoyer trois cents francs au Comité fédéral romand pour être transmis aux mineurs de Waldenburg.

Le Times, sortant de son impassibilité habituelle, constatait la place immense prise par l'Internationale dans les affaires du monde entier en ces lignes, qui furent reproduites par l’Égalité (n° 49, 25 décembre) et le Progrès (n° 28, 20 décembre) :

« Nous l'avouons, nous nous sommes moqués de cette étrange association ! Eût-on pu croire, il y a quatre ans, qu'elle était destinée à jouer un tel rôle dans l'univers, deviner son importance future, ses progrès rapides et inouïs ? Pour assister dans l'histoire au spectacle d'une organisation aussi formidable et d'une propagande pareille, faisant des milliers et des millions de prosélytes, il faudrait remonter aux premiers temps du christianisme ! »


Le mouvement de propagande commencé par le meeting de Sonceboz et l'assemblée populaire de Saint-Imier continuait dans les Montagnes. Le Progrès (n° 26 et 27, 11 et 18 décembre) rendit compte de deux réunions qui avaient eu lieu à la Chaux-du-Milieu et aux Ponts, le dimanche 5 décembre, et d'un grand meeting qui s'était tenu à Bienne le dimanche 12 décembre. Dans cette dernière assemblée avaient parlé non seulement des délégués du Val de Saint-Imier et de Neuchâtel, mais un délégué venu de Genève, le vieux socialiste allemand J.-Ph. Becker. Nous voyions encore en Becker un ami et un allié ; nous dominant de sa haute taille, qui ne le cédait qu'à la stature colossale de Bakounine, avec sa longue barbe grise qui descendait en fleuve sur sa large poitrine, il nous ouvrit ses bras, à Schwitzguébel et à moi, pour nous serrer sur son cœur et nous donner l'accolade fraternelle, ou plutôt paternelle, selon son habitude. Après le meeting, il me remit un Manifeste aux travailleurs des campagnes, écrit par lui en allemand, dont il avait lu et commenté quelques pages à la tribune ; je lui promis d'en faire une traduction française ; un fragment de ma traduction parut dans le Progrès du 20 décembre, et la traduction intégrale fut publiée en brochure à Genève en février 1870. En même temps, sur ma demande, Becker accepta de rédiger pour le Progrès un article donnant des éclaircissements complets sur la question du rôle joué en Allemagne par Schweitzer, question qui restait encore enveloppée pour nous de tant d'obscurité.

À la Chaux-de-Fonds, comme l'avait indiqué Heng le 23 novembre au Locle, il y avait eu dans le sein de la Section une crise venant de l'opposition que les « coullerystes », encore assez nombreux, faisaient aux idées collectivistes. Dans la seconde moitié de décembre, les socialistes les plus résolus se constituèrent en une Section nouvelle, se donnant pour mission d'organiser des meetings et de travailler activement à la constitution d'une Union ouvrière locale. Les coullerystes restèrent groupés dans l'ancienne Section centrale. Nos amis avaient pensé que, grâce à cette séparation, on éviterait des tiraillements nuisibles au progrès de l'organisation. Une lettre imprimée dans le Progrès du 26 décembre dit à ce sujet : « Nous avons enfin de bonnes nouvelles à vous adresser. La Section de la Chaux-de-Fonds s'est décidément séparée en deux groupes : l'un, le plus fort, continuera, sous le nom d’ancienne Section, à conduire