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Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/297

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Nous vous disions :

« La fête du 1er mars est une fête nationale et bourgeoise : elle ne vous regarde pas.

« On vous parle des gloires de la patrie. Le travail n'a pas de patrie.

« La république, il est vrai, a donné aux citoyens l'égalité politique et civile, la liberté de la presse, la liberté des cultes. Mais quels fruits avez-vous retirés de toutes ces belles choses ?

« Ceux-là seuls qui possèdent sont libres. La bourgeoisie seule, la classe qui vit du travail des ouvriers, a profité des conquêtes de 1848. Pour vous, travailleurs, votre situation n'a pas changé : aucune réforme économique n'est venue modifier, d'après des lois plus justes, les rapports du capital et du travail ; vous êtes restés les déshérités de la société, et chez nous, comme partout, la pauvreté c'est l'esclavage ! »

Ces paroles, nous les répétons aujourd'hui avec la même conviction et la même énergie que l'an dernier.

Seulement, en les répétant, nous savons qu'elles seront mieux comprises, et que beaucoup de ceux pour qui elles ont été, il y a douze mois, un sujet de colère et de scandale, en sont venus à penser comme nous.

On se le rappelle : lorsqu'il y a un an le Progrès osa dire ces choses qu'on entendait pour la première fois dans le canton de Neuchâtel, la situation n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui.

Il y a un an, l'article du Progrès était accueilli par les anathèmes de toute la presse suisse. Bon nombre d'ouvriers, qui n'avaient pas encore ouvert les yeux sur leurs véritables intérêts, joignaient leurs voix à celle de la bourgeoisie. Un organe réactionnaire, qui osait prendre les couleurs du socialisme, et qui trompait ainsi une partie de nos amis, la Montagne, nous jetait la boue à pleines mains. Nous étions presque seuls sur la brèche.

Dans le monde entier, l'Internationale cherchait encore sa voie. Nos ennemis disaient que les résolutions du Congrès de Bruxelles n'exprimaient pas les véritables sentiments de la masse ouvrière, qu'elles avaient été votées par surprise ; ils espéraient que le Congrès de Bâle les renierait. En Suisse, la Fédération romande venait à peine de se former, et la Chaux-de-Fonds se tenait en dehors du mouvement. La France dormait encore. L'Allemagne était entre les mains de Schweitzer, l'agent de Bismarck. Sur quelques points isolés seulement, en Europe, le vrai socialisme levait déjà son drapeau.

Que de choses se sont faites en un an !

Coullery et ses doctrines, qui paralysaient la Chaux-de-Fonds, désavoués solennellement par l'Internationale ;

La France se réveillant soudain de sa torpeur, et s'agitant, non plus pour des chimères sentimentales et belliqueuses, mais pour le socialisme, pour la justice et l'égalité réelles ;

Le Congrès de Bâle affirmant à l'unanimité les résolutions de