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Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/410

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Au président de la Section centrale de Genève.

Ce 7 août 1870. Locarno.

Citoyen président. Je viens de recevoir la lettre par laquelle vous me convoquez pour l’assemblée qui aura lieu samedi le 13 août, et par laquelle vous m’avertissez en même temps qu’il sera lu une lettre demandant mon expulsion, — sans pourtant dire quel est ou qui sont les membres qui ont signé cette lettre.

Quoi qu’il en soit, c’est avec bonheur que je vois approcher le jour de la justice, le jour où je pourrai confondre enfin tous mes calomniateurs.

Malheureusement, mes affaires ne me permettent pas de me rendre à Genève pour le jour désigné, ni même dans une époque rapprochée et déterminée. Je me vois forcé de rester à Locarno. Mais ce qui ne peut se faire verbalement, peut et doit se faire par écrit, d’autant plus que mes calomniateurs ont trouvé bon d’initier eux-mêmes cette affaire par une lettre.

Je vous prie donc, citoyen président, de vouloir bien m’envoyer immédiatement la copie de cette lettre, avec les signatures de mes accusateurs, sinon écrites de leurs mains, au moins contresignées et garanties par vous-même et par le secrétaire du comité. Je répondrai sans retard, et un jury d’honneur jugera entre nous.

Salut et fraternité. M. Bakounine.


Naturellement le président se garda bien de faire droit à une requête si légitime.

En même temps Bakounine écrivait à Joukovsky pour l’adjurer de se rendre, avec Perron, Brosset, et quelques autres amis, à l’assemblée du 13 août, et d’y réclamer énergiquement la copie de la lettre d’accusation avec les noms des accusateurs, et la constitution d’un jury d’honneur.

Joukovsky et ses collègues ne se présentèrent pas à l’assemblée, et ce fut contre des absents que la Section centrale, obéissant docilement aux meneurs, prononça une sentence d’exclusion. Le secrétaire écrivit à Joukovsky le 18 août pour lui faire part de la décision prise. Voici cette lettre[1], qui sans doute fut aussi adressée, dans les mêmes termes, aux trois autres accusés :

« Genève, le 18 août 1870. — Citoyen Joukovsky, par décision prise et votée à l’assemblée générale du 13 août dernier, je suis chargé de porter à votre connaissance que vous êtes expulsé du sein de la Section centrale de l’Association internationale des travailleurs. — Au nom de l’assemblée du 13 août 1870 ; le secrétaire, Charles Reymond. »


À ce même moment, ou un peu avant, Marx écrivait à J.-Ph. Becker pour l’entretenir des affaires générales de l’Internationale, et de l’opportunité d’ajourner le Congrès général ; et l’on voit par sa lettre que sa principale préoccupation, à ce moment tragique où nous autres ne songions qu’aux chances de sauver, avec la France, les destinées du socialisme en péril, était de combiner les moyens d’écraser définitivement — il l’espérait — son ennemi Bakounine. Dès le 17 mai, le Conseil général, « considérant que tant que durerait le régime actuel en France, le Congrès ne pourrait se réunir à Paris » ; que, d’autre part, « le Comité central du parti prolétaire démocratique social avait invité le Conseil général de l’Association internationale des travailleurs à transférer son Congrès en Allemagne », avait résolu que « le Congrès général s’ouvrirait le 5 sep-

  1. Nettlau, p. 405.