Aller au contenu

Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

liberté aux Sections et à la Fédération en général. En effet, une fois le principe admis de ne pas participer aux réformes politiques nationales, reste encore ouverte la question de savoir s’il faut prendre part aux élections des Chambres, etc. Le Congrès de Stuttgart a résolu cette seconde question affirmativement, en déclarant que « le parti de la démocratie socialiste ne participe aux élections du Reichstag et du Parlement douanier que dans un but d’agitation et de propagande ». On comprend très bien que le Congrès de Stuttgart ait songé à utiliser les élections comme un moyen de propagande, quand on considère que dans toute l’Allemagne il n’existe qu’un seul journal socialiste, le Volksstaat, qui ne paraît que deux fois par semaine et qui n’a guère que deux mille abonnés environ… Mais dans le parti socialiste allemand, beaucoup sont d’avis que les résultats qu’on peut obtenir par la propagande dans un parlement bourgeois ne valent pas ce qu’ils coûtent… Quel profit pour la classe ouvrière ont produit en France les députés socialistes qui siègent au Corps législatif ? Ils ont fait peu ou point de propagande, tandis que les grèves ont fait une propagande immense…

Nous proposerions au Congrès international d’adopter la résolution suivante : « Considérant, etc.,…. le Congrès déclare que la classe ouvrière doit employer toute son activité au mouvement social, en préparant les moyens de renverser la société actuelle et en jetant les fondements de la société future ». Et alors la question qui se présenterait tout naturellement comme devant être étudiée en premier lieu serait celle-ci : « Quelles mesures devra prendre le Congrès régional qui proclamera le premier l’avènement du règne de la Justice dans son pays respectif ? »


La perspective de voir un Congrès général voter une résolution de ce genre était bien faite pour exaspérer Marx contre ceux qu’il appelait dans cette même lettre à Becker la « fripouille allianciste » (allianzistisches Gesindel). C’est pour cela, plus encore sans doute que par d’autres considérations, qu’il résolut l’ajournement du Congrès. Mais il fallait que le Conseil général n’eût pas l’air d’avoir agi de son propre mouvement, et qu’on pût dire qu’il n’avait fait qu’obéir à la volonté des fédérations. Dès le 2 août, Marx écrivait donc au Comité allemand de Brunswick : « Le Conseil général, d’après l’article 3 des statuts, ne peut pas changer la date du Congrès. Néanmoins, dans les circonstances extraordinaires du moment, il prendrait sur lui la responsabilité d’un pareil acte, s’il trouvait pour cela l’appui nécessaire auprès des Sections. Il serait donc désirable qu’une proposition motivée, à cette fin, nous fût officiellement envoyée d’Allemagne. » En marge de la lettre, Bracke, le principal membre du Comité, mit ces mots : Sofort zu thun (« À faire immédiatement »[1]). Et en 1872, dans sa brochure Les prétendues scissions (p. 4), Marx écrivit sans sourciller : « La guerre franco-allemande, éclatant peu de jours après [la circulaire du 12 juillet qui contenait le programme du Congrès de Mayence], rendit tout Congrès impossible. C’est alors que les Fédérations consultées

  1. Nettlau, p. 408. — Le 12 août, Marx écrivait à Jung un billet disant : « Ci-inclus, pour être présentés au Conseil général : 1o Une résolution du Comité central allemand à Genève (le Comité central romand vous fera parvenir une résolution d’un contenu identique) ; 2o La copie d’une résolution qu’on m’a envoyée, de Brunswick… » La résolution de Brunswick, signée de C. Kühn, Bonhorst et Bracke, était celle dont Marx avait réclamé l’envoi ; celle qu’il avait reçue de Becker (Genève), et celle que Henri Perret devait faire parvenir directement à Jung au nom du « Comité central (lire : fédéral) romand », avaient naturellement été rédigées aussi sur commande.