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soit par leurs attaches orléanistes, soit par leur participation aux proscriptions de 48 ». Il ose prétendre que l’auteur du manifeste demandait « une croisade de tous les peuples contre le peuple travailleur allemand » ! Et il conclut en disant : « Le moment n’est pas propice pour allumer en France une guerre civile, en procédant à la revendication sociale, au lieu d’attendre l’issue de la guerre avec l’étranger ».

Le même numéro de l’Égalité contenait l’entrefilet suivant :


« En réponse à quelques journaux qui attribuent au Comité central de l’Association un manifeste paru à Neuchâtel et dont nos lecteurs trouveront la critique dans ce numéro, le Comité fédéral de la Fédération romande vient d’envoyer au Bund[1] une protestation signée du secrétaire général (Henri Perret) et niant toute solidarité avec ce manifeste, qui ne peut appartenir qu’à un ou quelques individus qui ne possèdent pas des notions claires sur le but et les principes de notre Association. »


Or, en même temps que nous avions publié à Neuchâtel le manifeste que les coullerystes, sur le mode tragique, « dénonçaient à l’indignation du peuple », et que M. Outine, s’essayant à l’ironie, qualifiait de « mystification d’un blagueur » et d’« enfantillage de vieux ou de jeunes écoliers », le Comité central du parti ouvrier de la démocratie socialiste, en Allemagne, siégeant à Brunswick et à Wolfenbüttel, avait adressé au peuple allemand un appel qui disait les mêmes choses que le nôtre ; son manifeste était presque identique à celui de la Solidarité non seulement pour le fond, mais même pour la forme. Il saluait aussi la chute de l’empire et l’avènement de la République : « Après vingt ans d’existence honteuse du second empire, le peuple français s’est relevé et a repris la conduite de ses destinées. Acclamons la République française ! » Et il ajoutait : « Il est du devoir du peuple allemand d’assurer une paix honorable avec la République française. Il appartient aux travailleurs allemands de déclarer que dans l’intérêt de la France et de l’Allemagne, ils sont décidés à ne pas tolérer une injure faite au peuple français, après qu’il s’est débarrassé à jamais de l’infâme qui avait troublé la paix… Jurons de combattre loyalement et de travailler avec nos frères ouvriers de tous les pays civilisés pour la cause commune du prolétariat. En voyant comme un grand peuple a repris la conduite de ses destinées,… élevons le cri qui annoncera, sinon pour aujourd’hui, du moins pour un avenir prochain, l’aurore de la liberté en Allemagne. »

On sait comment le général Vogel von Falkenstein fit expier au Comité de Brunswick-Wolfenbüttel sa courageuse protestation : les membres de ce Comité, Bracke, Bonhorst, Spier, Kühn, Gralle, et avec eux un ancien membre, Ehlers, ainsi que l’imprimeur Sievers, furent conduits, enchaînés comme des malfaiteurs, à la forteresse de Boyen, près de Lötzen, où les rejoignirent bientôt Geib, de Hambourg, membre de la Commission de contrôle, et le Dr J. Jacoby, de Konigsberg, qui avait protesté, le 14 septembre, dans une réunion publique, contre l’annexion de l’Alsace-Lorraine.

La conformité de vues entre les représentants du socialisme allemand et les internationaux du Jura suisse me semble intéressante à constater. Marx a cherché à tourner en dérision, dans les deux pamphlets qu’il a écrits contre nous en 1872 et 1873, le manifeste de Neuchâtel : le manifeste de Brunswick-Wolfenbüttel suffit à lui répondre.

Comment, d’ailleurs, Marx a-t-il pu feindre d’oublier ce que lui-même a écrit dans le manifeste adressé, le 9 septembre 1870, à tous les membres de l’Internationale par le Conseil général ? Voici la conclusion de ce manifeste, où Marx appelait les Sections de l’Internationale à l’action :

  1. Organe officieux du gouvernement suisse, à Berne.