Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/423

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« Que les Sections de l’Association internationale des travailleurs, dans tous les pays, excitent à l’action les classes ouvrières. Si elles désertent leur devoir, si elles demeurent passives, la terrible guerre actuelle ne sera que l’avant-coureur de luttes internationales plus meurtrières encore, et conduira dans toutes les nations à un nouveau triomphe remporté sur l’ouvrier par les seigneurs de l’épée, de la terre, et du capital. Vive la République ! »

Puisque j’ai mentionné le manifeste du Comité de Brunswick-Wolfenbüttel, je veux noter que les auteurs de ce manifeste y avaient intercalé des fragments d’une lettre écrite « par un de leurs plus distingués anciens amis et collaborateurs de Londres » — qui n’était autre que Karl Marx lui-même. Et dans cette lettre de Marx se trouvait ce passage significatif :


La guerre actuelle ouvre une nouvelle époque de l’histoire : elle a prouvé que, même avec l’exclusion de l’Autriche, l’Allemagne est capable de poursuivre son développement… Un but sérieux est atteint, et si la classe ouvrière allemande ne réussit pas à jouer le rôle historique qui lui est assigné, ce sera de sa faute. Cette guerre a transféré le centre de gravité du mouvement ouvrier continental de France en Allemagne[1].


J’aurai à revenir plus tard sur la conception qu’exprime cette dernière phrase. Je me borne, ici, à enregistrer cette parole de Marx à la date où elle fut écrite.


Au moment où Paris va se trouver, pour plusieurs mois, séparé du reste de la France, il faut rappeler quelle y était, au lendemain du 4 septembre, l’organisation des forces du parti socialiste et révolutionnaire. Le Conseil fédéral parisien de l’Internationale, qui avait son siège à la Corderie du Temple, fut immédiatement réorganisé ; à côté de lui siégeait, dans le même local, la Chambre fédérale des sociétés ouvrières, sociétés non adhérentes à l’Internationale, mais qui, dans toutes les circonstances importantes, concertaient leur action avec celle du Conseil fédéral[2]. En outre, il se constitua dans chacun des vingt arrondissements un « Comité de vigilance », formé d’hommes d’action appartenant aux diverses fractions du parti le plus avancé : ces vingt comités devaient former des espèces de municipalités révolutionnaires ; ils furent reliés entre eux par un « Comité central républicain des vingt arrondissements », qui s’installa, lui aussi, à la Corderie, devenue le foyer du mouvement à Paris. Dans ce Comité central se trouvaient surtout des membres de l’Internationale ; au bas de l’affiche rouge qu’il publia le 19 septembre pour demander la levée en masse, l’accélération de l’armement, et le rationnement, je relève les noms suivants : Avrial, Ch. Bellay, Briosne, Chalain, Combault, Camélinat, Chardon, Demay, Duval, Dereure, Frankel, Ferré, Flourens, Johannard, Jaclard, Lefrançais, Langevin, Longuet, Malon, Pindy, Pottier, Ranvier, Rigault, Serraillier, Tridon, Theisz, Vaillant, Jules Vallès, Varlin. Mais je n’ai pas à faire l’histoire de Paris pendant le siège. Durant près de cinq mois, nous allions nous trouver

  1. Dieser Krieg hat den Schwerpunkt der kontinentalen Arbeiterbewegung von Frankreich nach Deutschland verlegt. — Plusieurs mois avant qu’on pût prévoir la guerre, et l’hégémonie momentanée qu’elle allait assurer à l’Allemagne, Marx avait déjà écrit à Kugelmann, le 17 février 1870 : « Entre nous soit dit, j’attends davantage, en somme, pour le mouvement social, de l’Allemagne que de la France (Unter uns gesagttake all in allich erwarte für die soziale Bewegung mehr von Deutschland als von Frankreich) ».
  2. La Chambre fédérale avait d’ailleurs dans son sein plusieurs hommes qui, adhérents individuels de l’Internationale, comptaient parmi les militants les plus actifs de celle ci : Camélinat, Pindy, Eugène Pottier, Theisz, etc.