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Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/491

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kovsky, se rapporte à des incidents dont je n’ai pas parlé encore, afin de ne pas interrompre le récit de ce qui concerne les insurrections communalistes. C’est au Mémoire de la Fédération jurassienne que j’en emprunterai l’exposé :


Pendant l’hiver de 1870-1871, au milieu des événements les plus importants peut-être de l’histoire du dix-neuvième siècle, et pendant que se déroulaient les phases palpitantes de cette révolution du 18 mars qui remuait si profondément, d’un bout du monde à l’autre, les masses prolétaires, Messieurs les meneurs du Conseil général étaient essentiellement préoccupés de profiter de l’occasion que leur offraient les circonstances pour établir solidement dans l’Internationale leur autorité en supprimant les Congrès généraux, et pour écraser définitivement les opposants qui avaient excité leur haine.

Oui, tandis que chacun des membres des Sections de nos Montagnes ne vivait plus que de la vie des héroïques Parisiens, tandis que les hommes d’action dans l’Internationale concentraient toute leur activité et toutes les forces de leur intelligence sur ce seul but : venir en aide à la Commune de Paris, — Marx et ses créatures ne songeaient qu’à faire servir les péripéties de ce drame gigantesque à la réalisation de leurs petits calculs, et ils disposaient d’avance, avec une adresse infernale, leurs toiles d’araignées, comptant prendre au piège les Fédérations sans défiance et faire de l’Internationale tout entière la proie de leur vanité et de leur esprit d’intrigue.

C’est une chose difficile à croire, mais parfaitement vraie : en mars 1871, les acolytes de Marx en Suisse, Outine, H. Perret et consorts, n’avaient qu’une préoccupation, absolument étrangère à la révolution sociale et aux événements de Paris ; cette préoccupation était d’achever de se débarrasser de la Section de l’Alliance, et pour cela ils venaient d’inventer un truc nouveau. Ils osèrent déclarer en assemblée générale des Sections de Genève que jamais la Section de l’Alliance n’avait été admise par le Conseil général. Cette étrange assertion fut rapportée à l’Alliance, et le secrétaire de cette Section (Joukovsky), en réponse aux mensonges d’Outine, produisit publiquement les originaux des deux lettres écrites à l’Alliance par Eccarius et par Jung, en date du 28 juillet et du 25 août 1869 ; la première de ces lettres annonçait que le Conseil général avait admis la Section de l’Alliance à l’unanimité, la seconde accusait réception des cotisations de cette Section. La réplique était écrasante, semble-t-il ? Pas du tout : Outine et ses amis payèrent d’audace et affirmèrent cyniquement que ces deux lettres devaient être des faux, et qu’une personne bien renseignée, venant de Londres, le leur avait dit.

Cette personne bien renseignée était Madame Dmitrieff, une amie d’Outine, Russe comme lui, et, — disons-le, car c’est un détail caractéristique, — Juive comme lui, comme Marx, comme Borkheim (collaborateur de la Zukunft de Berlin et du Volksstaat de Leipzig), comme Moritz Hess ; comme Hepner, rédacteur du Volksstaat ; comme Frankel, membre de la Commune de Paris[1].

  1. Je reproduis sans y rien changer cette phrase et la suivante. Calomniés et vilipendés par une séquelle d’intrigants, nous avions bien été obligés de constater que quelques-uns des plus acharnés contre nous étaient des Juifs allemands et russes, qui semblaient se soutenir entre eux par esprit de corps, — et nous avions cru devoir le dire. Mais nous n’avons jamais eu d’animosité contre aucune des races qui composent l’humanité. Nous savions bien que si Marx était Juif, son alter ego, Engels, bien moins intelligent et bien plus haineux que lui, ne l’était pas ; et nous n’avons pas ménagé l’expression de notre admiration et de notre sympathie pour des Juifs comme Henri Heine et Ferdinand Lassalle. Nous avons compté dans nos rangs, au nombre de nos camarades les plus dévoués, des Israélites, hommes et femmes ; et aujourd’hui n’existe-t-il pas des groupes de Juifs russes anarchistes où la mémoire de Bakounine est l’objet d’un véritable culte ?