Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/490

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immédiatement ces derniers à Fritz Robert, auquel je les ai promis. Tu vois que tu es plus heureux que Numa Pompilius, puisque tu en reçois onze sur douze, tandis que Numa n’en a eu que six, ou même seulement trois sur douze[1].

Ma lettre t’arrivera ou est déjà arrivée de Zürich à l’adresse de M. Gustave J.

N’oublie pas de bien saluer de ma part ta femme d’abord et sa mère, puis la tienne et tes sœurs. Je suis heureux de les avoir rencontrées. Salue bien ton frère aussi et envoie-moi sa brochure.

J’ai reçu une lettre de Ross[2]. Je l’engage beaucoup à écrire son journal le plus détaillé et le plus sévèrement véridique. Nous le traduirons, d’abord pour les amis intimes, parce que toute vérité n’est pas bonne à dire en public : nous ne devons pas diminuer le prestige de ce fait immense, la Commune, et nous devons défendre à outrance, dans ce moment, même les jacobins qui sont morts pour elle. La traduction faite, tu verras quel parti tu pourras en tirer pour le public, n’est-ce pas[3] ? J’attends avec impatience ta lettre.

Ton dévoué M. B.

J’ai été bien content pour toi et pour toute ta famille de la nomination de ton père[4]. Et toi, quand redeviendras-tu maître d’école ?

Voici la lettre de Sentiñon que j’avais oublié de t’envoyer. Tu dois absolument me la renvoyer.


Cependant Joukovsky ne donnait plus signe de vie ; et nous désirions vivement faire paraître un numéro de la Solidarité. Je lui récrivis le 8 juin, en lui disant que si Czerniecki refusait d’imprimer un numéro du format du Progrès pour trente francs, nous ferions faire le journal à la Chaux-de-Fonds.

La raison du silence de Joukovsky était son absence de Genève : sa femme, revenant d’un voyage en Russie, était tombée malade à Berne ; il était allé la rejoindre dans cette ville, et il avait négligé de m’avertir de son déplacement ; je finis par apprendre qu’il était absent, mais par un tiers, et sans qu’on pût me donner son adresse. Ozerof, au défaut de Joukovsky, me fit savoir que Czerniecki refusait de recommencer à imprimer la Solidarité. Il fallait prendre une décision : une réunion eut lieu au Locle le 20 juin, et le lendemain j’écrivis à Joukovsky pour lui annoncer qu’il venait d’être décidé que la Solidarité s’imprimerait au Locle, dans le format du Progrès, et le prier de m’envoyer immédiatement le registre des abonnés et le livre de comptes du journal, avec les factures de l’imprimeur. J’ajoutais que Robin m’avait demandé de Londres, quinze jours auparavant (10 juin), de lui expédier une copie des pièces authentiques qui prouvaient que la Section de l’Alliance de Genève avait bien été admise en 1869 par le Conseil général, pièces dont Joukovsky était le détenteur. Ne sachant toujours pas où il se trouvait, j’adressai ma lettre à l’imprimeur Czerniecki, dans l’espoir que celui-ci réussirait peut-être à la faire parvenir au destinataire.

On se rappelle que Robin était devenu membre du Conseil général en octobre 1870. La lettre qu’il venait de m’écrire, et dont j’entretenais Jou-

  1. Bakounine ne se piquait pas d’érudition : les « professeurs allemands » voudront bien lui pardonner d’avoir, dans une lettre familière, écrit « Numa Pompilius » pour Tarquin l’Ancien, et « douze » au lieu de « neuf », à propos des livres sibyllins.
  2. Ross était revenu de Paris sain et sauf ; son camarade Valence Lankiewicz, comme je l’ai dit, avait été tué.
  3. Il ne fut pas donné suite à ce projet : Ross n’a rien écrit sur la Commune.
  4. Mon père venait d’être réélu membre du Conseil d’État neuchâtelois.