Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/520

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dis-je, et voilà que tu as soin, en même temps, de justifier de point en point mon jugement.

En effet, tu prétends me répondre à lettre vue : aussi tu m’écris lundi soir, à minuit ! heure un peu indue. Seulement tu oublies la lettre dans ta poche, et tu ne la mets à la poste que le samedi matin, comme le constate le timbre de Genève, — en sorte qu’elle m’arrive le samedi soir.

Puis, dans cette réponse à lettre vue qui a mis une semaine à me parvenir, tu ne me parles que d’une seule chose, et tu persistes à garder un silence incompréhensible sur les points les plus essentiels.

Ainsi, je n’ai jamais pu obtenir de toi une réponse à l’égard des comptes de la Solidarité. Tu te rappelles que lorsque je suis allé à Genève, au moment où je commençais à te faire des reproches au sujet de ces comptes que tu négligeais d’envoyer au Comité fédéral, tu m’as coupé la parole en m’affirmant que tu venais de les envoyer. Et cependant tu ne les avais pas envoyés, je l’ai appris à mon retour. Aussitôt je t’ai écrit lettre sur lettre : tu as toujours négligé de me répondre sur ce point...

Je persiste à croire que vous aviez le temps de prévenir Michel de ma proposition concernant l’Alliance. Il ne s’agit pas ici de l’autorité d’un homme, de dictature, etc. ; il s’agit d’égards dus à un ami. Vous pouviez très bien fixer à huit jours la séance dans laquelle on discuterait la question, et dans l’intervalle écrire à Michel. Enfin, c’est fait, n’en parlons plus...


À partir de ce moment, je m’abstins de toute récrimination au sujet du fait accompli.


Au printemps de 1871, pendant que la Commune luttait contre l’armée de Versailles, nous avions appris que Netchaïef s’était rendu à Paris ; et j’avoue que je m’attendis un moment à voir citer son nom, associé au récit de quelque exploit téméraire ou de quelque acte de sauvagerie désespérée. Mais il ne semble pas que Netchaïef ait combattu dans les rangs des défenseurs de Paris : ou bien il se trouva dépaysé dans ce milieu qu’il ne comprenait pas, ou bien il se réservait. Après l’écrasement de la Commune, nous n’entendîmes plus parler de lui durant tout le reste de l’année 1871 : il était, je crois, revenu en Suisse, et s’y tenait caché. Pendant les mois de juillet et d’août, les journaux publièrent fréquemment des nouvelles du procès qui se déroulait en ce moment même à Saint Pétersbourg, et où figuraient, avec ceux qui avaient été ses associés, des personnes plus ou moins sympathiques au mouvement révolutionnaire qui s’étaient trouvées compromises par les imprudences de Netchaïef ou par ses manœuvres. On voit, par le calendrier-journal de Bakounine, que celui-ci lisait le compte-rendu de ce procès ; et une note de ce journal nous fait connaître le genre de sentiments que cette lecture lui inspirait : le 1er août il écrit :


« Procès de Nietchajeff. Quel infâme ! »


J’ai dit que Bakounine avait commencé le 28 juillet un Mémoire justificatif (qu’il appelle, dans sa correspondance, Rapport sur l’Alliance), et qu’il m’en avait expédié le 5 août les 28 premiers feuillets, envoyés aussitôt par moi à Genève. Il continua, pendant la plus grande partie du mois d’août, à travailler à ce manuscrit. Les feuillets 29-68 me furent envoyés le 21 août : au bas du feuillet 68 il a écrit cette annotation :


Fin immédiatement. — Je ne sais pas l’usage que vous trouverez bon de faire de ce manuscrit. Ce qui est certain, c’est que je ne ferai pas d’autre rapport [que celui-ci], qui ne peut pas être imprimé dans