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dans la grande salle pour entendre les discours et les chansons. Bientôt la foule devint telle que, la fête ne m'intéressant que médiocrement, je me fis scrupule de continuer à occuper une place à table, et je me retirai loin du bruit au jardin, où je passai très agréablement la moitié de la nuit avec De Paepe à causer du socialisme belge et de Colins, de la philosophie positive et d'Auguste Comte.


V


Le premier Congrès de la Ligue de la paix et de la liberté, à Genève
(9-12 septembre 1867).


Je donne ci-dessous des extraits de la suite du feuilleton du Diogène, qui se continuait par une relation du Congrès de la Ligue de la paix et de la liberté, à Genève :


Souvenirs du Congrès de la Paix[1].

La plupart de nos amis avaient déserté le banquet dès sept heures pour prendre le train de Genève. Pour nous qui avions voulu attendre au lendemain, nous partîmes le lundi (9 septembre) à six heures du matin par un bateau qui devait suivre la côte de Savoie. Nous étions une douzaine, entre autre Stampa, le Milanais ; De Paepe, de qui la conformité d'âge me rapprochait le plus ; Murat, de Paris ; Coullery, et deux délégués anglais de la Ligue de la Réforme. Odger et Cremer, qui étaient arrivés la veille à Lausanne encore à temps pour assister à la clôture du Congrès ouvrier ; ils font partie du Conseil général de l'Association internationale des travailleurs, et à ce titre ils avaient tenu, avant de se rendre à Genève, à venir nous saluer.

À la première station[2], une douzaine de curés et de frères ignorantins montèrent sur le bateau. Aux stations suivantes, il en vint d'autres, si bien qu'enfin ils se trouvèrent au nombre de plus de cinquante. Ils allaient voir Garibaldi comme nous : Garibaldi, le Messie du dix-neuvième siècle, disait-on à notre banc ; Garibaldi, la bête de l'Apocalypse, disait-on au banc des ignorantins.

La navigation ne fut pas trop longue. Nous vîmes bientôt les belles maisons de Genève, toutes pavoisées, apparaître à l'extrémité du lac. On apercevait de très loin un grand drapeau italien, rouge, vert et blanc, se balancer à l'angle du palais Fazy[3], où était descendu Garibaldi.

Stampa, qui devait avoir ses entrées particulières auprès du général, nous proposa de nous présenter à lui aussitôt arrivés. Quand le bateau toucha le quai, nous nous dirigeâmes vers le Cercle international[4], pour y déposer nos bagages, et Stampa entra au palais Fazy, en promettant de nous rejoindre bientôt.

Il ne se fit pas attendre. Il y avait une demi-heure que nous étions

  1. Diogène, numéros du 1er novembre au 27 décembre 1867.
  2. Évian.
  3. Au coin de la rue du Mont-Blanc et du quai du Mont-Blanc, — aujourd'hui le Grand-Hôtel de Russie.
  4. C'était un modeste local, dans la rue du Rhône, qui servait alors de lieu de réunion aux membres de l'Internationale.