Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/582

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— Lefrançais, Perrare, Ostyn, Malon, et quelques autres, faisaient toujours partie de la Section centrale, — et, après un débat animé, il fallut se résoudre à décider qu’une nouvelle assemblée serait convoquée pour le samedi 2 décembre, afin d’examiner, discuter, adopter ou rejeter les résolutions. Lefrançais, Malon et Ostyn rédigèrent alors et signèrent une proposition longuement motivée, qu’ils devaient soumettre à cette assemblée ; elle concluait à ce que la Fédération romande (de Genève) déclarât « qu’il n’y avait pas lieu d’accepter dans leur ensemble les résolutions de la Conférence », et invitât les autres Fédérations « à se joindre à elle pour exiger du Conseil général la convocation à bref délai d’un Congrès chargé… de régler au mieux des principes de l’Association les questions mises en litige par les empiétements successifs du Conseil général de Londres ». Mais, pour empêcher que cette proposition pût être présentée et discutée, un groupe de partisans d’Outine fit, dès l’ouverture de la séance du 2 décembre, la motion que « ceux des membres de la Fédération genevoise qui faisaient en même temps partie de la Fédération jurassienne fussent, avant toute discussion, sommés d’opter immédiatement pour l’une ou l’autre de ces fédérations ». La motion fut votée ; et ceux des membres de la Section centrale de Genève qui avaient adhéré à notre Fédération, — Lefrançais, Malon, Ostyn, Perrare, etc.[1], — après avoir déclaré qu’ils optaient pour la Fédération jurassienne, durent se retirer[2]. Après quoi l’assemblée, débarrassée de tout contradicteur, passa au vote des résolutions de la Conférence, qui furent adoptées « d’enthousiasme et sans discussion[3] ».

Vers le milieu de décembre, le Comité fédéral romand (de Genève) rédigea une contre-circulaire qui devait être une réfutation de celle du Congrès de Sonvillier. Cette pièce peu remarquable (Nettlau l’appelle ein wirklich nichtssagendes Gegencircular) parut dans l’Égalité du 24 décembre, avec les signatures suivantes : L. Guétat, G. Bernard, Marie Petitpierre, J. Hoffer, T. Duval, Henri Perret. Ne possédant pas la collection de l’Égalité de 1871 et 1872, je ne puis citer aucun passage de ce document ; mais je crois que le lecteur n’y perd rien. Dans ce même numéro, l’Égalité reproduisait une partie de l’article de la Emancipación dont j’ai donné plus haut (p. 245) des extraits ; mais elle eut soin de ne pas imprimer le passage où on lit ces phrases : « Abstenons-nous complètement de toute participation à ce que les politiciens appellent la balançoire constitutionnelle ;… ne vous laissez pas séduire par les promesses mensongères de certains charlatans ;… éloignez-vous avec mépris de ces urnes électorales desquelles ne sortira jamais votre émancipation ». Un langage comme celui-là fût retombé trop directement sur les politiciens de Genève.

À la Chaux-de-Fonds, naturellement, les coullerystes, eux aussi, devaient venir à la rescousse. Seulement, comme leur Section ne battait plus que d’une aile, il fallut un certain temps pour préparer une manifestation qu’on pût exploiter contre nous. Ce fut seulement pour le 18 janvier qu’Ulysse Dubois réussit à convoquer une assemblée de ses amis ; il est parlé en ces termes de cette réunion dans le pamphlet que Marx allait publier bientôt : « Les ouvriers de la Chaux-de-Fonds, dans l’assemblée générale du 18 janvier 1872, ont répondu à la circulaire des Seize[4] par des

  1. Ils s’étaient fait recevoir comme membres par la Section de propagande et d’action révolutionnaire socialiste.
  2. J.-Ph. Becker écrivait à Sorge, le 30 novembre, au sujet de cette séance : « Les réfugiés parisiens font ici scandale sur scandale : ce sont des braillards mégalomanes et des chauvins à cerveau brûlé. Nous avons après-demain une importante assemblée de toutes les Sections d’ici, et il pourrait facilement arriver que beaucoup de ces messieurs fussent exclus de l’Association, ou même mis à la porte de vive force (handgreiflich hinausgeworfen). C’est M. Lefrançais qui est à la tête de cette bande d’aliénés (Narrenhäuster). »
  3. Révolution sociale, no 7 (2 décembre 1871).
  4. C’est par cette périphrase, qu’il croyait plaisante, que Marx désigne invariablement la circulaire de Sonvillier.