Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/583

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votes unanimes confirmant les résolutions de la Conférence de Londres, ainsi que la résolution du Congrès romand de mai 1871 d’exclure à jamais de l’Internationale les Bakounine, Guillaume et leurs adeptes[1] (Les Prétendues scissions, etc., p. 34).


Bastelica avait communiqué la lettre reçue de Barcelone (voir ci-dessus p. 246) à Joukovsky ; et celui-ci, dans les premiers jours de décembre, écrivit ce qui suit à Alerini[2] :

« Vous voyez un danger mortel[3] dans une rupture avec le Conseil général. Nous vous dirons d’abord que jamais nous ne l’avons cherchée ; ensuite, que c’est le Conseil général qui la produit ; nous vous dirons enfin qu’une rupture avec un élément contraire à l’esprit de l’Internationale ne présente selon nous aucun danger…

« Vous voulez exprimer, dites-vous, au Conseil général combien vous le voyez avec peine s’engager dans une voie aussi peu libérale[4] envers nous les Jurassiens. Mais par cette lettre vous donneriez au Conseil général un prestige gouvernemental, ce dont nous ne voulons à aucun prix. Quand un comité de Section fait mal ses devoirs ou se donne les airs d’un protecteur, d’un directeur, on le remplace par un autre ; on en fait autant avec un Comité fédéral ; pourquoi le Conseil général ferait-il exception à la règle ? Est-il fait pour servir à l’Association, ou bien l’Association est-elle fondée pour que quelques ambitieux centralisateurs lui donnent, selon leur plaisir : bénédiction à Genève, malédiction au Jura, bienveillance en Allemagne, etc. ?

« La cause des Jurassiens, ainsi que des deux Sections de propagande[5] qui ont eu le malheur de déplaire aux inamovibles membres du Conseil général, ne sont qu’accidentelles. Il ne s’agit pas davantage de personnalités, quelles qu’elles soient : grandes comme Marx ou Bakounine, ou petites comme Outine ; les hommes passent, l’Internationale reste. Vous devriez, chers amis, voir la chose d’un point de vue plus élevé… Nous pensons que le doute n’est plus possible. Il faut agir, il faut en finir le plus tôt possible… Ci-joint les statuts de la Section de propagande et d’action révolutionnaire socialiste, ainsi que le compte-rendu de la séance au Temple-Unique où nous[6] voulions protester contre les résolutions de Londres. »

Les hésitations de nos amis espagnols ne furent pas de longue durée. Bakounine écrivit le 18 décembre (son calendrier-journal nous l’apprend) une lettre à Sentiñon et à Farga-Pellicer (c’est la seule qu’il ait envoyée en Espagne pendant toute cette période), qui contribua sans doute, avec celle de Joukovsky, à éclairer les esprits et à raffermir les volontés de nos amis. Dans son numéro du 31 décembre, la Federación de Barcelone publia la circulaire de Sonvillier, en la faisant précéder de ces lignes : « L’objet dont s’occupe la circulaire est de très grande importance… L’idée de convoquer, dans le plus bref délai possible, un Congrès général, qui

  1. Nous n’avions pas eu connaissance de ce Congrès, tenu à Genève dans le courant de mai 1871, et où il n’y eut que des délégués genevois. Pendant que nous étions entièrement absorbés par les tragiques événements de Paris et que nous préparions des moyens de venir en aide à nos amis français, les hommes du Temple-Unique, les Outine, les Perret, les Grosselin, s’étaient amusés, comme on le voit, à nous exclure « à jamais » de l’Internationale.
  2. Le brouillon de cette réponse de Joukovsky a été retrouvé par Nettlau et publié par lui, p. 586.
  3. Cette expression, qu’avait employée Alerini, ne se retrouve pas dans les fragments de sa lettre publiés par Marx.
  4. Même observation pour ce passage de la lettre d’Alerini que pour celui qui a été cité plus haut.
  5. La Section de propagande et d’action révolutionnaire socialiste, de Genève, et la Section française de 1871, de Londres.
  6. Joukovsky dit « nous », mais il n’avait pu assister lui-même à la séance, ayant été expulsé de la Section centrale de Genève en août 1870.