Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/596

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dualités. Le plan adopté pour arriver à ce but est d’expulser au préalable de notre Association, après les avoir écrasés sous des monceaux de calomnies adroitement répandues, tous les hommes dont l’esprit d’indépendance aurait pu être un obstacle à la réussite du projet de nos futurs dictateurs.

Mais on peut prévoir dès maintenant que cette intrigue sera déjouée, grâce à l’attitude prise spécialement par les Fédérations belge, espagnole, italienne[1] et jurassienne, et que les intrigants et les ambitieux en seront pour leurs frais et leur courte honte.

... Que nos frères d’Allemagne, d’Angleterre, d’Amérique, qui ignorent le véritable état des choses, prennent garde de se laisser tromper. La justice leur fait un devoir d’attendre, pour se former un jugement, d’avoir entendu le pour et le contre. Jusqu’à présent, on les a nourris de calomnies contre toute une moitié de l’Internationale, contre la moitié la plus vivante, la plus dévouée, la plus révolutionnaire. Mais le jour n’est pas loin où la lumière se fera pour tous.

Pendant de longs mois nous avons dû laisser passer presque sans réponse les calomnies, les accusations injustes, les fausses interprétations ; notre Fédération n’avait pas d’organe qui lui appartînt en propre, et nous étions par conséquent forcés de nous taire. Maintenant que nous pouvons parler, grâce à ce Bulletin autographié, bien modeste et qui dit éloquemment à nos amis la pauvreté à laquelle les sacrifices d’une année de lutte nous ont réduits, — maintenant que nous pouvons parler, nous entrons hardiment en lice, forts de notre droit, de notre amour pour la vérité et la justice, et sûrs des sympathies de tout ce qui, dans l’Internationale, déteste l’autorité sous toutes ses formes, et veut la liberté dans l’égalité.


Le reste du numéro contenait un article sur l’Internationale en Espagne, racontant les persécutions gouvernementales dont j’aurai à parler tout à l’heure ; et une lettre de la Section de Moutier qui annonçait un projet de fédération des ouvriers des fabriques d’horlogerie.

Les 18, 19 et 20 février avait lieu à Genève le Congrès de la Fédération des ouvriers graveurs et guillocheurs de la Suisse française. Ce Congrès corporatif avait rapproché, dans une même assemblée, quelques-uns des hommes de la coterie du Temple-Unique, et des Jurassiens comme Auguste Spichiger, délégué par les graveurs et guillocheurs du Locle, et Adhémar Schwitzguébel, délégué des graveurs du district de Courtelary. Dans son n° 3 (15 mars), — que je dus autographier moi-même, — le Bulletin rendit compte de ce Congrès, en soulignant la signification des réunions de ce genre :


Alors que toutes les assemblées parlementaires bourgeoises nous donnent le spectacle de l’impuissance et de la stérilité en présence des problèmes sociaux, il est consolant de suivre les débats des Congrès ouvriers, où s’élaborent les Chartes du travail, appelées à remplacer un jour toutes les constitutions politiques que nous offre la bourgeoisie.


Ce même n° 3 reproduisait un article publié dans la République française par Paul Lanjalley[2], un socialiste parisien avec lequel nous étions

  1. Il n’existait pas encore, en réalité, de « Fédération italienne ». Il n’y avait en Italie que des Sections isolées ; elles ne se constituèrent en fédération qu’à la Conférence de Rimini, en août 1872.
  2. Lanjalley avait publié, en collaboration avec Paul Corriez, dans l’été de 1871, à Paris même, une histoire de la Commune — la première — où la vérité était dite sur les atrocités commises par les fusilleurs versaillais.