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Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/638

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poudre aux yeux, et à qui on fait voter ainsi tout ce qu’on veut : voilà le Conseil général. Aussi tout ce qui avait une pensée indépendante s’en est successivement retiré : Robin, Bastelica, Theisz et Camélinat. En cet état de choses, a-t-on oui ou non le droit de dire que le Conseil général a des tendances allemandes ?

Troisième fait : Dans la presse socialiste, chose curieuse, tous les journaux de langue française, espagnole et italienne conbattent les tendances autoritaires du Conseil général et se prononcent en faveur de l’autonomie des Sections et des fédérations : ce sont l’Internationale de Bruxelles, la Liberté de Bruxelles, le Mirabeau de Verviers, le Bulletin de la Fédération jurassienne, la Federacion de Barcelone, la Razon de Séville, la Justicia de Málaga, le Boletin de la Asociacion de Trabajadores du Ferrol, le Proletario de Turin, le Martello de Milan, le Fascio operaio de Bologne, la Campana de Naples (nous ne comptons pas l’Égalité de Genève, qui sert d’organe aux agents de Marx dans la Suisse romande, ni la Emancipacion de Madrid, qui sert d’organe aux agents de Marx en Espagne, et qui n’expriment ni l’un ni l’autre la pensée du pays). Par contre, tous les journaux de langue allemande soutiennent la ligne de conduite suivie par le Conseil général : ce sont le Vorbote de Genève, la Tagwacht de Zürich, le Volksstaat de Leipzig, le Volkswille de Vienne. Il faut avouer que cette division de la presse internationale en deux camps, dans l’un desquels on parle français, italien et espagnol, tandis que dans l’autre on parle exclusivement allemand, est de nature à faire réfléchir.

... Comme nous l’avons dit, en France, en Italie et en Espagne on parle, à tort ou à raison, des tendances pangermaniques du Conseil général ; et celui-ci aurait dû, ce nous semble, tenir à se laver de cette imputation. Pour cela, il lui aurait fallu convoquer le Congrès en Suisse, parce que la Suisse est un terrain neutre... Au lieu de cela, le Conseil général va choisir la Haye ; et ce choix provoquera infailliblement les commentaires que voici : on va très facilement de Londres à la Haye, c’est une simple promenade en bateau à vapeur, il y aura donc foule de délégués anglais et de membres du Conseil général ; l’Allemagne touche la Hollande, donc les délégués allemands pourront venir en masse... On dira, et avec raison, que la Haye a été choisie afin que l’élément germanique dominât dans le Congrès ; les décisions de celui-ci n’auront aucune autorité morale, et la fâcheuse rivalité de races, que nous voudrions conjurer, se trouvera déchaînée par le Conseil général lui-même et par son refus de faire droit aux légitimes réclamations des Fédérations lésées.

... Le Congrès général devait ramener l’union au sein de l’Internationale ; il devait être le tribunal où seraient jugées toutes les graves dissidences qui nous séparent et nous paralysent. Mais le Congrès, tenu à la Haye, ne sera pas un instrument d’union ; comme tribunal, il ne fournira probablement pas les garanties d’impartialité nécessaires ; et nous craignons bien qu’au lieu de la paix que nous appelons de tous nos vœux, le Congrès de la Haye ne nous donne la guerre. Quoi qu’il en soit, c’est le Conseil général qui l’aura voulu ; que la responsabilité en retombe sur lui seul !


Les mois qui précédèrent le Congrès de la Haye, à partir du commencement de mai, furent pour moi une période d’activité fiévreuse. La