Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/71

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sa place en silence : on sentait que deux partis se disputaient le terrain, et que la lutte, jusque-là contenue peut-être par la présence du héros italien, allait devenir sérieuse.

On débuta par les discours de Cremer et d'Odger, qui furent très applaudis ; puis le professeur Karl Vogt lut, en français et en allemand, ces Dix articles contre la guerre, de Mme  Stahr (Fanny Lewald), dont la tournure humoristique a été tellement goûtée, et que toute la presse a reproduits.

L'un des secrétaires du bureau. Ch.-Louis Chassin, donna ensuite lecture du projet de résolutions élaboré par le Comité directeur. Ces résolutions ont été imprimées dans tous les journaux ; je n'en relèverai que les deux points qui intéressaient spécialement les délégués du Congrès ouvrier, et qui montraient que le Comité directeur était disposé à donner satisfaction aux vœux des socialistes.

L'un des considérants disait :

« Considérant que l'existence et l'accroissement des armées permanentes constituent la guerre à l'état latent, et sont incompatibles avec la liberté et avec le bien-être de toutes les classes de la société, principalement de la classe ouvrière... »

Et le cinquième paragraphe des résolutions portait qu'il était du devoir des membres de la Ligue de la paix et la liberté : « De faire mettre à l'ordre du jour, dans tous les pays, la situation des classes laborieuses et déshéritées, afin que le bien-être individuel et général vienne consolider la liberté politique des citoyens[1] ».


On remarquera que les rédacteurs de ce paragraphe avaient emprunté, en partie, les termes mêmes du considérant de l'Adresse de l'Internationale, où il était dit que « la paix, première condition du bien être général, doit être à son tour consolidée par un ordre de choses qui ne connaîtra plus dans la société deux classes, dont l'une est exploitée par l'autre ».

Dans une lettre qu'il adressa au journal le Temps, de Paris, après le Congrès, Émile Acollas insista en ces termes sur la signification qu'il fallait donner aux résolutions présentées par le Comité directeur, et qui furent adoptées par le Congrès dans sa dernière séance :


Dès l'ouverture du Congrès, un duel à outrance semblait imminent entre le socialisme et la liberté politique. De franches et rudes paroles, exprimant des idées mal définies, avaient été prononcées par les délégués des Travailleurs de Lausanne ; une protestation avait suivi[2], et, il faut le dire surtout à ceux pour qui la modération est le premier des devoirs, cette protestation appelait le combat.

Eh bien, le combat n'a pas eu lieu et le malentendu a cessé. Qu'est-ce que le socialisme du Congrès de Lausanne ?... Est-il autre chose que l'expression d'une souffrance et la légitime volonté de voir cette souffrance s'atténuer et disparaître ? Le socialisme du Congrès de Lausanne a dit son mot à Genève : Venez à nous avec un cœur sincère ; nous chercherons et nous réaliserons ensemble.

La politique et l'économie se sont reconnues et réconciliées dans la Justice.

  1. Ici s'arrête la partie des Souvenirs des Congrès de Lausanne et de Genève qui a paru dans le Diogène en 1867, du numéro du 27 septembre à celui du 27 décembre. Il m'a été impossible de retrouver une collection de l'année 1868 de ce journal (ma propre collection a été perdue, en sorte que je ne puis donner la fin de ces Souvenirs.
  2. La protestation de M. de Molinari, Dameth, Cherbuliez et autres.