Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/72

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Pour compléter ce que j’ai transcrit ci-dessus du feuilleton du Diogène, j’ajouterai, sommairement, que dans la séance du mercredi du Congrès de la paix on entendit encore, entre autres, un discours de Charles Longuet et un de Gustave Chaudey ; et dans celle du jeudi, un discours de De Paepe, dont je retrouve le passage principal reproduit dans le Diogène du 6 décembre ; le voici :


« Nous aussi, nous sommes républicains et fédéralistes : mais nous ne voulons pas d’une république nominale et d’une fédération illusoire. La république, nous la voulons dans les faits, et surtout dans les faits économiques, qui priment tous les autres à notre époque : non seulement nous ne voulons pas du monarque héréditaire qui s’appelle empereur ou roi, ni du monarque temporaire qui s’appelle président, mais nous voulons aussi supprimer le monarque appelé capitaliste, ou l’oligarchie appelée banques nationales, compagnies financières, etc., qui régissent despotiquement la circulation des valeurs et dont la liste civile s’appelle intérêt ou dividende ; mais nous voulons supprimer le monarque qui s’appelle propriétaire, qui règne en maître absolu sur le sol et dont la liste civile s’appelle rente ou fermage. Le fédéralisme, nous le voulons non seulement en politique, mais en économie sociale ; nous ne voulons pas seulement décentraliser le pouvoir, mais nous voulons aussi décentraliser le capital ; comme nous voulons que chaque citoyen soit son propre souverain, nous voulons que chaque producteur soit son propre capitaliste, c’est-à-dire que capital et travail soient réunis sur la même tête ; comme nous voulons que la loi ne soit plus qu’un contrat entre les citoyens, c’est-à-dire un échange de services, nous voulons que la production, le commerce, le crédit, la consommation, ne soient, eux aussi, qu’un échange de services. Car à quoi servirait de décentraliser les nations, les provinces, les communes, si dans chacun de ces groupes le capital continuait à être centralisé dans les mains de quelques-uns ? Dans les républiques comme dans les monarchies, n’est-ce pas le capital qui gouverne, et n’est-ce pas la misère qui fait la servitude ? Fédéralisme politique suppose fédéralisme économique, sans cela ce n’est qu’un leurre ; et fédéralisme économique signifie : mutuellisme, réciprocité des services et des produits, suppression de tous les prélèvements du capital sur le travail, extinction du bourgeoisisme et du prolétariat. »


À la fin de la séance du jeudi, les radicaux et les libéraux genevois ligués contre le Congrès, et conduits par James Fazy et par Albert Wessel, tentèrent de troubler l’ordre en suscitant une bagarre ; mais, malgré cette manœuvre, dont le résultat fut d’écourter la discussion, un vote put avoir lieu, qui sanctionna le projet de résolutions présenté la veille par le Comité directeur.