Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/90

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l'égalisation économique de toutes les classes et de tous les individus humains sur la terre ; par conséquent, l'abolition de la propriété héréditaire, l'appropriation de la terre et de tous les instruments de travail par la fédération universelle des associations ouvrières, fédération dans laquelle devront réellement se noyer tous les États actuels et toutes les institutions politiques, fondées sur la propriété individuelle et héréditaire des capitaux et de la terre.

Si nous prenons ce principe pour base de tous nos travaux, de nos actes, nous serons réellement très utiles, et nous forcerons les ouvriers de l'Internationale à reconnaître l'utilité réelle de notre Ligue.

Si au contraire nous rejetons ce principe, si même, sans le rejeter franchement, nous continuons seulement à l'ignorer, nous ne serons pas seulement une Ligue inutile, mais nuisible et réactionnaire. Et alors les ouvriers auront mille fois raison, non seulement de nous repousser, mais de nous combattre et de nous anéantir. Car n'oublions pas, cher ami, que la puissance est à eux, non à nous. Prouvons-leur donc notre raison d'exister, encore plus pour leur bien que pour le nôtre.


Le Congrès de Berne siégea du 21 au 25 septembre. Dans la séance du 23 fut discutée la question des « rapports de la question économique et sociale avec celle de la paix et de la liberté » ; en son nom et en celui de quelques amis, Bakounine déposa un projet de résolution ainsi conçu :


« Attendu que la question qui se présente le plus impérieusement à nous est celle de l'égalisation économique et sociale des classes et des individus[1], le Congrès affirme que, en dehors de cette égalisation, c'est-à-dire en dehors de la justice, la liberté et la paix ne sont pas réalisables. En conséquence, le Congrès met à l'ordre du jour l'étude des moyens pratiques de résoudre cette question. »


Dans le débat, Bakounine se déclara collectiviste, et donna en ces termes la définition de ce mot :


Parce que je demande l'égalisation économique et sociale des classes et des individus, parce qu'avec le Congrès des travailleurs de Bruxelles je me suis déclaré partisan de la propriété collective, on m'a reproché d'être communiste. Quelle différence, m'a-t-on dit, faites-vous entre le communisme et la collectivité[2] ? Je suis étonné, vraiment, que M. Chaudey ne la comprenne pas, cette différence, lui, l'exécuteur testamentaire de Proudhon. Je déteste le communisme

  1. Plus tard, on chercha querelle à Bakounine, non sans quelque raison, au sujet de cette expression incorrecte d' « égalisation des classes ». Il avait répondu d'avance à l'objection, dans son second discours au Congrès de Berne, où il s'exprima ainsi : « J'ai demandé l'égalisation économique et sociale des classes et des individus. Je veux maintenant dire ce que j'entends par ces mots. Je veux la suppression des classes aussi bien sous le rapport économique et social que politique... Voilà donc ce que nous entendons par ces mots : l'égalisation des classes. Il aurait mieux valu dire peut-être la suppression des classes, l'unification de la société par l'abolition de l'inégalité économique et sociale. Mais nous avons demandé encore l'égalisation des individus, et c'est là surtout ce qui nous attire toutes les foudres de l'éloquence indignée de nos adversaires. »
  2. Ce mot de « collectivité » est évidemment une faute d'impression ou un lapsus ; Bakounine a dû dire ou a voulu dire « collectivisme ».