Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/16

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la direction du nord-ouest, un promontoire à base granitique, dont les bords escarpés sont couverts d’une végétation luxuriante ; puis, dès qu’on a dépassé le chenal, on découvre, à droite et à gauche de ce promontoire, deux anses profondes, entourées de collines élevées, qui donnent à la baie la forme d’un bonnet d’évêque dont les deux pointes s’enfoncent dans l’intérieur des terres. Le fond de l’anse de droite est occupé par une digue coupée seulement en deux endroits, pour laisser passer des ruisseaux qui descendent d’une petite vallée en miniature, où se trouve construit le village de Yéraisaki, résidence d’un gouverneur japonais. Quant à l’autre enfoncement de la baie, nous n’avons aperçu sur ses bords aucune agglomération de maisons ; seuls, deux ou trois bâtiments, ressemblant à des magasins à fourrage, se dressent sur l’unique partie de la rive où les flots ne battent pas directement le pied des collines, et laissent entre eux et l’escarpement un étroit terre-plein. Au moment où nous descendîmes sur ces rivages qu’aucun Occidental n’avait sans doute visités avant nous, la cloche du bord sonnait six heures ; le soleil, déjà disparu sous l’horizon, éclairait encore bien nettement le calme du paysage, qu’il nous était donné de contempler après la journée laborieuse que nous venions de passer sur un élément auquel la tranquillité est malheureusement trop peu connue. Notre premier soin, en arrivant à terre, fut de traverser et de retraverser en tous sens la petite ville de Yéraisaki ; ses rues assez mal entretenues nous montraient, à chaque pas, qu’elles n’avaient pas été mieux traitées que nous par le temps dans la matinée. Les habitants sont rares dehors. Les boutiques et les maisons offrent une architecture toute japonaise ; les épiciers, les marchands de faïence et d’allumettes suédoises abondent, et semblent constituer les seuls éléments du commerce indigène. Après avoir ainsi rempli nos devoirs envers la ville, nous prenons un sentier qui grimpe doucement sur le flanc des collines ; ici plus d’habitations et encore moins d’habitants ; du côté de la baie, la vue s’arrête sur le promontoire du phare, tandis que l’autre côté du sentier est bordé d’un bois de bananiers aux larges feuilles ; sous leurs ombrages, des fraisiers sauvages étalent leurs fruits parfumés avec une impudence qui semble indiquer ou une trop grande abondance, ou une ignorance complète, de la part des naturels, des qualités de la violette des potagers. Pour nous, qui n’avons pas été gâtés sous le rapport des fruits depuis notre départ de Marseille,