Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/17

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nous maraudons au passage, au détriment de dame nature, sans avoir à craindre les gardes champêtres,

Enfin nous arrivons à un petit plateau occupé par un temple en ruine et par quelques habitations ; au-dessous, sur la déclivité de la colline, s’étend le cimetière, dont les stèles minuscules disparaissent au milieu d’un fouillis de lianes ; et au travers de ce champ de morts, un ruisseau, — un torrent en miniature, — saute de pierres en pierres en chantant son éternelle chanson, sans doute pour charmer le sommeil de ceux qui reposent pour l’éternité sur ses bords,

Voici l’étroit sentier de l’étroite vallée.

Un petit chemin descend le long du ruisseau ; nous nous y engageons ; mais la voie des hommes est comme celle de la nature qu’elle côtoie, les pierres et les obstacles y sont aussi fort nombreux. À un moment, le lieutenant B…, qui marche derrière moi, s’embrouille dans une liane et me tombe dessus, au grand désagrément de mon pied qui apprend, à ses dépens, que notre cher camarade n’a pas toute la légèreté d’un revenant.

Lors de notre retour dans la ville, deux agents de police japonais, habillés à l’européenne, et ayant pour arme une longue canne, viennent nous inviter, autant par les gestes que par la parole, à exhiber nos passeports, ou à retourner à notre bord. Comme nous avons cru inutile de nous munir de ces pièces à Nagasaki, il nous est impossible de nous rendre à la première requête des aimables policemen de Tsoushima. Quant à l’autre alternative, elle nous sourit peu ; nous préférons exciper de notre ignorance de la langue japonaise pour faire la sourde oreille, et comprendre de travers les gestes dont ils accompagnent leurs discours. Nous étions d’autant moins disposés à comprendre l’invitation polie de retourner à bord qui nous était faite, que nous n’avions pas encore commencé à remplir la tâche qui nous avait été assignée, lorsque nous avions laissé nos camarades se livrer aux douceurs de l’hydrographie pratique. Notre mission était de procurer au carré une abondante provision de poissons frais, des homards autant que possible ; malheureusement notre ignorance de la langue ne laissait pas que de nous embarrasser ; nos six yeux eurent beau chercher dans les recoins des boutiques, dans les marmites, et jusque dans les tas d’immondices, il nous fut impossible de découvrir un