Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/21

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rigeons vers la jetée en pierres sèches qui forme un petit bassin devant la concession, nous en contournons l’extrémité, et, après avoir perdu un quart d’heure à manœuvrer, au milieu des cinquante jonques qui sont mouillées à son abri, nous abordons à un escalier, aux marches fort inégales, qui sert de débarcadère. Sur le quai, des Japonais vont et viennent sans faire grande attention à nous. Seuls trois ou quatre Coréens s’accroupissent pour nous voir passer, dans une position qui semblerait faire supposer qu’ils se livrent à une occupation d’une nature intime ; mais il n’en est rien, et ils n’ont pris cette position de repos que pour pouvoir donner un plus libre cours à leur curiosité. Au commencement de la jetée, une habitation plus grande et mieux tenue que celles qui l’entourent, sert de bureau à la douane coréenne. Devant la porte, un vieillard nous regarde passer en fumant sa longue pipe d’un air solennel. Au lieu d’être blancs, comme ceux de tous les Coréens que nous avons vus jusque-là, ses vêtements sont bleu clair ; nous demandons à un Japonais, qui jargonne quelques mots d’anglais, et qui s’est imposé à nous comme cicérone, le sens de ce changement de couleur ; il nous répond que les fonctionnaires ont seuls le droit de mettre des vêtements de couleur bleue, tandis que le jaune est réservé à l’empereur (sic). Comme ce fonctionnaire, — nous sûmes plus tard que c’était un officier des douanes, — reste campé devant nous, sans paraître gêné ou intimidé par notre présence, nous en profitons pour détailler, non les traits de sa physionomie, mais les diverses parties de son costume. La coiffure tout d’abord attire notre attention : une petite calotte en soie noire, semblable à celle que portent les prêtres catholiques du rite romain, lorsqu’ils restent couverts dans le sanctuaire, forme le couvre-chef ; elle est entourée par un large rebord fait en crins tressés à jour, et surmontée d’une autre calotte confectionnée comme le rebord ; cette dernière peut avoir la forme d’un tronc de cône ou d’une demi-sphère, selon le goût de son propriétaire. Le reste du costume est fort simple et se compose d’une longue robe blanche nuancée de bleu, le blanc pur étant réservé pour le deuil. Quant au pantalon, il s’arrête au-dessus de la cheville, où il est serré au moyen de cordons ; les jambes en sont bouffantes, et il suit la robe dans toutes ses variations de couleur, nécessitées soit par la position de son propriétaire, soit par une mort survenue dans la famille de ce dernier. Pendant ce minutieux examen de sa personne, notre Coréen ne laissa voir aucun