Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/22

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mouvement d’humeur, et n’en continua pas moins à donner tous ses soins à sa pipe ; seulement, au moment où nous le quittâmes, il nous fit un signe de la main, qui pouvait être aussi bien pris pour un adieu amical que pour une expression de la satisfaction qu’il éprouvait à être débarrassé de notre présence.

Le prolongement de la jetée est formé par une large rue en pente douce qui traverse la concession d’un bout à l’autre, laissant à sa droite le bois de sapins qui la domine. Ici un nouveau guide vient encore s’imposer à nous, mais cette fois c’est un personnage revêtu d’un caractère officiel, c’est un agent de police envoyé au-devant de nous par le consul du Japon pour nous prier de passer tout d’abord au consulat, sans doute pour nous sonder sur nos intentions futures, pendant notre séjour dans le port. Nous nous rendons d’autant plus volontiers à cette invitation que nous avions l’intention d’aller voir le représentant du Mikado à Fou-sang, pour le prier de nous prêter ses bons offices, de nous aider à profiter de notre séjour en Corée et aussi pour rassurer les autorités indigènes, en leur faisant connaître le but tout pacifique de notre voyage. Nous prenons à droite une large rue qui monte la colline de sapins entre deux rangées d’élégantes villas moitié européennes, moitié japonaises, où sont établis les comptoirs des grandes compagnies japonaises de commerce. Au bout de la rue, nous rencontrons un assez mauvais escalier, d’une quarantaine démarches, qu’il nous faut gravir avant d’arriver à la barrière blanche qui sert d’entrée au consulat de Son Altesse Impériale le Mikado. Chemin faisant, nous essayons de nous renseigner auprès du policeman qui nous sert d’escorte ; il porte le même uniforme que ses collègues de Nagasaki ; seulement, plus heureux que ces derniers, son appendice nasal est surmonté d’une magnifique paire de lunettes en or de style européen. Nous lui demandons de nous indiquer la résidence d’un commerçant pour lequel nous avons une lettre de recommandation ; mais notre anglais est sans doute trop pur pour son oreille asiatique, et comprenant que nous lui demandons où nous allons, il se contente de nous montrer du doigt le sommet de la butte que nous gravissons, en répétant avec acharnement : Consul ! consul ! De guerre lasse, l’un de nous lui présente l’adresse de la lettre dont nous sommes porteurs. Alors, oh ! miracle de la civilisation japonico-coréo-européenne ! notre homme enlève prestement ses lunettes pour en lire la suscription. Une fois qu’il en