Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/24

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de la cour de Tokio fut de courte durée. Après l’échange des politesses banales, assaisonnées par la fumée d’horribles cigares qui nous furent offerts, notre hôte nous engagea à rester le moins possible à Fou-sang dont le séjour ne pouvait, disait-il, nous être agréable, les environs n’offrant aucune curiosité et l’animosité des indigènes contre les étrangers rendant les excursions dangereuses pour ces derniers. Cet accueil ne nous surprit pas ; seulement après avoir assuré au consul que le but de notre visite était uniquement un voyage d’agrément, et lui avoir prouvé notre qualité de touristes, peut-être extravagants, mais complètement dépourvus du double caractère d’extraordinaires et de plénipotentiaires, nous insistâmes pour qu’il nous fournît les passeports nécessaires lorsque nous visiterions les bords de la baie. Enfin, après de laborieuses négociations, dans un anglais plus laborieux encore, nous arrachâmes au représentant du Mikado la promesse que le lendemain, au point du jour, une escorte d’agents de police japonais et deux interprètes seraient mis à notre disposition pour nous rendre à la ville de Fou-sang. Nous prîmes alors congé de notre hôte, heureux de la première victoire que nous venions de remporter, qui ne devait pas être la dernière. Le retour à l’embarcadère s’effectua sans l’escorte de la police. Aussi, à peine avions-nous quitté le jardin du consulat, que deux jeunes Coréens se mirent à nous suivre, en frappant à tour de bras sur des boîtes légères, en bois de sapin, qu’ils portaient attachées à la ceinture. Ce cortège assourdissant avait, paraît-il, pour but d’éveiller en nous des sentiments de commisération pour les souffrances d’autrui, en infligeant un horrible supplice à nos pauvres oreilles. Pour nous, étrangers, ignorants des habitudes du pays, nous supportons patiemment ce discordant concert, que nous aurions pu éviter pour quelques sous jetés à propos à ces bourreaux d’un nouveau genre. Nous prenons ce concert ambulant pour une plaisanterie de mauvais goût, à l’adresse des diables d’étrangers qui se permettent de venir troubler la tranquillité des sujets du Dang-djié, roi de Corée, tandis que nos musiciens, s’imaginant sans doute que le cœur d’un barbare d’Occident est plus difficile à attendrir que celui d’un compatriote, ou ses oreilles moins sensibles aux charmes de leur musique, frappent de plus belle sur leurs boîtes, et, sans se décourager, nous escortent ainsi jusqu’à notre embarcation. Heureusement pour nous, ils n’étaient que deux ; car si le nombre s’en fût augmenté en route, l’un de