Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tant du Mikado put heureusement gagner le bord de la mer, où il dut s’embarquer sur une petite chaloupe, afin d’échapper à la fureur de la population coréenne, chez laquelle s’était produit un réveil de sentiments de haine pour les étrangers, à la nouvelle des massacres qui avaient ensanglanté la capitale. Abandonné au milieu des flots, sans vivres, le malheureux ministre serait sans doute mort de faim, si la chaloupe qui le portait n’avait été aperçue par un navire de guerre anglais, le Flying-fish, qui le recueillit et le mena, sain et sauf, à Nagasaki.

Il faut avoir vécu au Japon, et avoir pu apprécier par soi-même la vivacité du caractère japonais, pour se représenter l’indignation dont furent saisis les sujets du Mikado, petits et grands, lorsque le Flying-fish déposa à Nagasaki les rares survivants des massacres de Séhoul. Avec une rapidité, qui fait le plus grand honneur aux départements de la guerre et de la marine de Tokio, une belle escadre japonaise prit la mer et fit son apparition sur les côtes coréennes pour y jeter un corps de débarquement de 5000 hommes qui, grâce à cette diligence, s’empara de Séhoul sans coup férir. Le 12 août, vingt jours après son départ précipité de cette ville, d’où il n’avait fui qu’avec peine, le ministre Hanabusa y rentrait en vainqueur, pour y dicter les dures conditions que le Japon allait imposer à la Corée, et pour laver l’injure qui avait été faite à son pavillon.

La cour de Pékin, qui s’était jusqu’alors abstenue de s’interposer entre la Corée et les étrangers qui avaient essayé d’y pénétrer, ne put cependant rester inactive, lorsque le télégraphe lui apprit le débarquement d’une armée japonaise sur le territoire de son vassal. En 1875, elle n’avait cru devoir intervenir, parce que la Cour de Séhoul s’était soumise, sans résistance, aux exigences, fort raisonnables du reste, du Japon, ce qui avait empêché ce dernier pays d’y envoyer une expédition. En 1882, la situation était bien différente : les troupes du Mikado occupaient Séhoul ; et, s’il plaisait à ce dernier d’exiger de son cousin coréen des conditions par trop dures, il n’était que trop à craindre qu’il ne saurait résister au désir d’agrandir un peu ses états au détriment d’un vassal du Fils du Ciel. Dans de semblables conditions, le cabinet de Pékin n’hésita pas à agir sur-le-champ, et une armée chinoise envahit le territoire coréen, tandis qu’un délégué de Li-Hong-tchang, Ma-Kien-Tchong, s’abouchait successivement avec les autorités coréennes