Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/39

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furent placés au collège de Keï-o-dji-djikou, afin d’y recevoir une instruction tout européenne.

Les faits que je viens de rapporter seraient bien de nature à prouver que, si l’influence chinoise a été presque toujours prépondérante en Corée, elle n’a pu cependant imposer à ce pays l’amour de l’immobilité qui constitue son caractère distinctif, et qu’elle a dû, en cela, céder le pas à sa rivale japonaise. Du train où marchent les Coréens, en peu d’années, ils auront rejoint et même peut-être dépassé leurs maîtres en civilisation, les sujets du Mikado.

Quoi qu’il en soit, l’histoire de la Corée, pendant plus de huit siècles, n’est en résumé que le récit du long combat que se sont livré, sur son territoire, les deux civilisations japonaise et chinoise. Jusque dans ces derniers temps, celle-ci, grâce au voisinage du pays qu’il s’agissait de conquérir, et dont elle n’était séparée que par une ligne de frontières terrestres, eut facilement raison d’un adversaire qui ne pouvait se présenter sur le champ de bataille qu’après avoir traversé la mer ; opération toujours difficile, souvent même dangereuse, lorsqu’on n’a à sa disposition que de lourdes jonques mues par le vent. Lorsque les Japonais se furent approprié nos moyens de locomotion terrestre et aquatique, la situation se modifia en leur faveur. Avec leurs navires cuirassés, ils arrivèrent facilement à intimider la cour de Séhoul, qui avait, dans le passé, quelque raison de les craindre, car il lui était arrivé plus d’une fois d’envoyer un tribut au Mikado, à l’insu de son suzerain légitime, le Fils du Ciel. Quant à ce dernier, l’ouverture de ses domaines aux étrangers, et la transformation économique et politique de son ancien vassal le Japon, avaient eu aussi pour résultat de modifier considérablement sa situation dans l’extrême-Orient. La prise de Pékin par les armées anglo-françaises avait amoindri son prestige dans ces régions, et les puissants moyens d’action que le Mikado avait achetés à grand prix en Occident lui avaient suscité un ennemi d’autant plus dangereux qu’il avait été, la veille encore, son très obéissant vassal. Aussi, lorsque ce dernier envoya sur les côtes de la Corée une flotte cuirassée, chargée de rendre prépondérante son influence dans ce pays, la cour de Pékin garda un silence prudent au sujet de cette violation flagrante de ses droits souverains ; seulement elle n’en continua pas moins à épier, d’un œil jaloux, les agissements de la diplomatie japonaise à Séhoul, et lorsque cette