Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

il sera donc bien difficile, dans de semblables conditions, à ces derniers de résister à la tentation de faire de bonnes affaires en vendant fort cher de l’opium à leurs vassaux ; d’autant plus que chaque sujet du Fils du Ciel naît naturellement avec l’esprit mercantile, et qu’il pourrait écrire au-dessus de sa porte cette invocation que l’on a trouvée dans l’habitation d’un riche marchand de l’industrieuse Pompéï : Salut au lucre !

Le lecteur sera peut-être étonné de voir les efforts qu’ont faits, dans ces deux dernières années, les puissances occidentales à seule fin de se faire ouvrir un pays qui n’est ni riche, ni très peuplé. C’est donc dans cet attrait, qui pousse tout homme vers l’inconnu, qu’il faut chercher les causes de cette persévérance. La Corée fermée est devenue, dans l’esprit de l’Occident, une seconde terre promise, et comme le peu qu’on en connaissait ne permettait guère de se faire d’illusions au point de vue de la fertilité de son sol, on se la représenta comme une seconde Californie, où les mines d’or, de cuivre et de charbon se rencontraient en abondance, à quelques lieues seulement des ports d’embarquement. Nous ne connaissons point encore suffisamment la terra incognita pour savoir si ces suppositions sont plus que des rêves ; mais dans le cas où ils se réaliseraient, l’état de misère de ce pays ne tardera pas à être remplacé par une prospérité relative, si toutefois la Corée continue à se transformer aussi rapidement qu’elle l’a fait pendant les années 1882 et 1883. Au commencement de l’année 1884, le prince Min-Yog-ik, ancien ministre de Corée à Washington, a pris le chemin des écoliers pour regagner son pays, et a profité de son rappel pour visiter l’Europe. Accompagné de Soh-Kouang-pom, chambellan de S. M. coréenne, Son Excellence a visité successivement Londres, Paris, Marseille et Naples. Pendant ce voyage, la mission coréenne, qui avait perdu tout caractère officiel, du jour de son départ d’Amérique, ne fut distraite aucunement de ses occupations de touriste par des préoccupations politiques ; et, grâce à cette circonstance, les premiers Coréens venus en Europe ont pu en apprécier la vraie civilisation, c’est-à-dire celle qui reste complètement invisible pour quiconque est obligé de vivre dans les hautes sphères du monde officiel. Puis, dès le commencement de cette année 1882, le gouvernement coréen, qui n’avait cependant pu se procurer aucun renseignement certain au sujet de la civilisation occidentale, n’avait pas hésité à envoyer au Japon cinquante jeunes gens qui