Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/52

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fortune bon cœur. Nous sommes tous très grands et nos chevaux sont si petits que, lorsque nous essayons de les mettre au trot, nous courons grand risque de nous démettre les jambes, car nos pieds touchent terre à la moindre inégalité du sol.

Tout en flânant et en devisant chemin faisant, nous arrivons, vers les neuf heures, à un grand palais en briques grises, à toiture en tuiles relevée aux quatre coins comme un chapeau chinois, entouré d’une sorte de vérandah garnie de grosses colonnes de bois peintes en rouge. En le voyant, je me crois encore dans la capitale du Fils du Ciel, tant il a l’aspect pékinois. Dans les détails de sa construction et dans son apparence générale, on retrouve même cet état de délabrement de toutes les constructions chinoises abandonnées, sans aucun secours humain, aux ravages du temps.

Nous mettons pied à terre, ou plutôt nous laissons nos poneys filer entre nos jambes, sans les retenir, et nous entrons dans le palais, accompagné de notre interprète qui commence alors à prendre son rôle de cicérone au sérieux, et nous explique, en un anglais plus pittoresque encore que tout ce qui nous entoure, que nous sommes arrivés à un grand lieu de pèlerinage renommé dans toute la Corée méridionale.

Nous entrons dans le temple, qui ressemble non pas à un temple chinois, mais seulement à un palais pékinois, avec son vestibule monumental, sa cour entourée d’une colonnade et au fond de laquelle se trouve le salon de réception. À la place de cette dernière pièce, nous trouvons un immense hangar aux murs nus ; seul, un grand tableau, portant quelques caractères baroques, vient rompre la monotonie de cette halle, ouverte à tous les vents, et où maintes hirondelles ont établi leurs nids dans les angles des solives apparentes, peintes en vert, qui forment le plafond.

« Ceci, dit notre guide, en nous montrant le tableau, c’est Denhaï ; faire bonjour au grand maître (j’essaye ici de traduire aussi littéralement que possible son anglo-japonais) ; sauvages Coréens viennent faire devant génuflexion aux grandes vacances et à la fête du roi ; caractères sont écrits par la sainte main de l’empereur de Séhoul. »

En me creusant bien la tête, et en rappelant mes souvenirs chinois, je comprends que notre homme veut dire que le tableau qui est là devant nous est couvert d’hiéroglyphes écrits de la main du roi de Corée, ce qui lui donne un caractère sacré aux yeux de ses