Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/57

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Malheureusement les rôles ne tardèrent pas à être changés ; l’une après l’autre, les bêtes de somme de notre caravane durent passer à l’arrière-garde, après de nombreuses chutes, et être confiées aux soins des porteurs, leurs compatriotes, tandis que nos amis, un peu déconfits de la mésaventure, se voyaient forcés d’imiter mon exemple, et de faire aussi la route à pied.

Nous cheminons au pied de la ligne de collines qui s’élève derrière Sorio ; elles sont surtout pierreuses, et leurs flancs sont sillonnés d’innombrables rigoles qui laissent voir que le temps et aussi la pluie ne les ont guère épargnées, et ont laissé, en passant sur elles, la marque de leur passage sous forme de rides que la nature seule est impuissante à faire disparaître. Cependant il en est ici comme en Chine, et comme dans bien d’autres régions de l’Occident : la nature n’a point été prise en flagrant délit d’imprévoyance ; et si ces pauvres collines sont devenues stériles et désolées avec les années, c’est seulement le fait de l’homme. À l’origine, les hauteurs que nous suivons étaient couvertes d’un dôme de verdure, formé par les forêts de conifères qui les couvraient, ainsi que l’attestent encore quelques pins solitaires qui s’élèvent çà et là dans une anfractuosité de rochers, ou sur la lisière des champs qui nous servent de route. Une fois cet abri de feuillage enlevé par la hache de l’homme imprévoyant, la colline, livrée sans défense aux attaques des pluies, s’est vue peu à peu dépouillée de la terre végétale qui lui donnait la vie, et qui s’en est allée, entraînée par les eaux, remplir les vallées. Nulle part mieux que dans ces pays lointains de l’Orient, où l’on n’a encore rien fait pour rendre la fécondité aux hauteurs, on n’est aussi frappé des troubles dangereux que peut apporter l’imprévoyance de l’homme dans la vie de notre planète.

Nous passons à côté du village de Tomoou, où les Coréens ont établi une sorte de bureau des affaires étrangères chargé de traiter tout ce qui est relatif à la concession japonaise de la baie de Fou-sang ; et à peu de distance de cette bourgade, nous apercevons les murailles de Toraï-fou. Cette enceinte, qui peut avoir quatre mètres de hauteur, est construite d’après les méthodes des ingénieurs du Fils du Ciel, et son sommet est garni de créneaux où l’on n’aperçoit pas cependant les légendaires gueules de canons, peintes sur des planches, qui forment une partie intégrante de l’armement de toute fortification chinoise.

Après avoir dépassé Fou-sang, une courte étape nous mène en vue