Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/62

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vons dans une espèce de place d’armes, entourée de toutes parts par la muraille. Deux portes placées l’une en face de l’autre donnent accès d’un côté dans la ville et de l’autre dans la campagne. Nous sortons de la place d’armes, et nous voici dans la ville proprement dite.

Une longue rue étroite s’étend devant nous, fermée au fond par une muraille et une porte semblable à celles que nous venons de traverser. Des deux côtés, des boutiques qui rappellent un peu celles de Pékin, quoique moins bien. Il ne faut chercher ici, ni ces devantures curieuses en bois finement sculpté, ni ces immenses enseignes où la vivacité des couleurs rivalise avec les termes pompeux de la réclame, et qui constituent la partie la plus pittoresque de la couleur locale de la capitale des Fils du Ciel. Ici, au contraire, les devantures sont pauvres d’apparence ; rien n’y indique le genre de commerce des occupants, et à travers les portes basses j’aperçois des fouillis de marchandises de toutes sortes qui me rappellent ces bizarres magasins que l’on trouve encore de nos jours, dans les villages retirés de la Normandie, et où l’on débite, sous le nom d’épicerie, tout ce qui est susceptible de trouver des acquéreurs parmi nos campagnards. Ce qui me désole surtout dans l’inventaire fort sommaire que je fais du contenu des boutiques qui se trouvent sur notre passage, c’est que j’y retrouve encore ce mélange d’objets de rebut chinois et japonais sans aucune valeur. Et moi qui m’étais bercé de l’espérance de trouver enfin à Toraï-fou un souvenir de Corée, qui portât en lui-même un cachet authentique indiquant sa provenance !

Nous traversons une seconde porte qui semble donner accès à la ville officielle, car, dès que nous l’avons franchie, le style de l’architecture change. Les boutiques basses sont remplacées par de longues façades grises, percées çà et là de portiques massifs d’un aspect sévère. Ce que nous dit notre guide vient confirmer cette opinion ; il se met à nous énumérer une suite de noms coréens, qui paraissent des phrases baroques pour ceux qui ignorent cette langue ; mais l’important, c’est qu’il les qualifie tous de public offices, c’est-à-dire bureaux du gouvernement.

Nous nous arrêtons devant la porte d’une maison plus petite que les autres ; c’est le choumon-kau, salle des gardes, où l’on doit nous délivrer un permis de circulation, et nous donner un interprète avec une escorte.