Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/65

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tales, — Chinois et Coréens désignent sous ce nom l’Asie centrale, — une principauté dont le chef, Dié-tsou, accablait ses sujets d’impôts ; il en était arrivé à obliger les pauvres cultivateurs à lui payer une redevance sur chaque paire d’œufs que pondaient leurs volailles ; il leur concédait à prix d’argent la permission de faucher les céréales sur leurs propres terres, et leur faisait payer beaucoup d’argent pour le balayage des routes, qui n’en étaient pas moins aussi poudreuses qu’auparavant. Sur ces entrefaites, une sécheresse affreuse s’abattit sur la principauté de Dié-tsou ; tout mourait, arbres plantes et bestiaux, sous les rayons d’un soleil implacable, et aucun nuage n’apparaissait sur un ciel de plomb qui couvrait les campagnes comme un linceul.

» Cependant, au milieu de toutes ces calamités, des caravanes de marchands, qui venaient de traverser les monts, arrivèrent dans la principauté et furent étonnées de la voir ainsi ruinée par la sécheresse, car, disaient-ils, à peu de distance de là, les récoltes étaient superbes, grâce aux pluies chaudes qui abreuvaient la terre. Le prince, frappé du récit de ces marchands, fit venir son premier ministre, Kien-Kao, et lui dit : « Comment se fait-il que les régions voisines aient de l’eau en abondance, alors que nos terres sont ruinées par la sécheresse ? » Ce ministre, qui était un homme juste et compatissant pour tous, saisit avec bonheur cette occasion pour donner une leçon à son maître, même au risque de sa vie ; il lui répondit : « C’est que la pluie n’ose tomber dans votre principauté dans la crainte que vous ne l’obligiez à payer un droit d’entrée. » Cette témérité de Kien-Kao lui fut pardonnée ; elle porta ses fruits, et les impôts, qui écrasaient le peuple, furent supprimés. »

Pendant que notre Coréen nous racontait cette histoire, une surprise désagréable se préparait pour nous dans les hautes régions de l’atmosphère ; le soleil se voila, et bientôt la pluie tomba à torrents, sans que les bâtiments qui nous entouraient nous eussent permis de voir venir cet hôte désagréable. Force nous fut de chercher un abri dans ces hangars, peuplés de nids d’hirondelles et d’insectes sans nombre, que nous avions dédaignés un instant auparavant, et ce déluge fut accompagné d’un refroidissement si rapide de l’air, que nous fûmes très heureux de pouvoir nous y enfermer tant bien que mal.

Cette pluie et le changement brusque de température qui l’accompagnait étendirent une teinte de mauvaise humeur sur notre