Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/72

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mettent fin à l’existence des femmes du Malabar, à la mort de leur époux, puisqu’elle est condamnée, comme veuve, à mener une vie misérable ou à se remarier à un homme bien inférieur à elle dans l’échelle sociale.

Comment font les Coréens qui veulent se payer le luxe d’un harem, lorsqu’ils épousent d’autres femmes, tout en conservant celles qu’ils ont déjà ? Ils ne peuvent évidemment présenter les deux moitiés de papier exigées ? J’avoue que c’est là une objection qui ne s’est présentée à mon esprit que lorsque j’étais déjà bien loin de la terre de Corée, ce qui fait qu’il ne me reste rien de mieux à faire que de confier le soin d’éclaircir ce point obscur des mœurs de ce pays aux heureux du monde qui s’en iront le parcourir et l’étudier à leurs loisirs, sans avoir à compter avec la crainte de ses habitants, et la mauvaise volonté des fonctionnaires japonais.

Ce qui ressort bien clairement de la conversation de Zoï au sujet des femmes coréennes, c’est que les sujets de la cour de Séhoul ont pris aux Chinois jusqu’à leurs défauts. Comme eux, ils ont une conception barbare du rôle que joue la femme dans les sociétés. Il y a d’autant plus à s’en étonner que, quoique l’organisation sociale de la Corée soit un composé des théories chinoises et japonaises, les habitants de ce pays appartiennent bien certainement à la grande famille des Tatars. Je crois devoir prévenir le lecteur que cette opinion m’est toute personnelle. Mes connaissances en anthropologie se réduisant à zéro, il m’a été impossible de rattacher le rameau à une branche de l’espèce humaine à l’aide de l’angle facial, de la forme des cheveux et de leur longueur ; les bases de mes appréciations sont beaucoup plus simples. Les Coréens, — ceux que j’ai vus du moins, — sont très grands, de constitution sanguine, nerveux et bien plantés. Leur apparence rappelle plutôt la sauvagerie du Mongol, que l’astuce du Chinois ou la légèreté du Japonais. Dans les classes pauvres, cette apparence est même si accentuée qu’elle produit une mauvaise impression. Nos porteurs sont en guenilles, leurs cheveux roides et drus retombent de chaque côté du front, et donnent quelque chose de féroce à leur physionomie. Puis, ils sont courageux et réfléchis, qualités dont l’une est inconnue aux Chinois, tandis que l’autre est fort peu répandue parmi les Japonais.

Tous ces signes me portent à croire que les Coréens doivent être proches parents des Mongols, ce qui n’a rien de bien étonnant,