Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/73

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si on se reporte à leur histoire, telle que vous la racontent les historiens chinois. Comment se fait-il qu’avec une semblable origine, les Coréens se soient laissé aller à imiter la façon barbare dont les sujets du Fils du Ciel traitent leurs femmes ? Il est bien difficile de se l’expliquer, puisque ces derniers, qui ont imposé à leurs conquérants du Nord toutes leurs habitudes : la queue, si gênante pour des cavaliers, le thé et bien d’autres choses, n’ont jamais pu cependant leur faire accepter de mutiler les pieds de leurs compagnes, et de les considérer comme des esclaves. Certes, dans les plaines immenses de la Mongolie, la femme se livre aux plus durs travaux, mais en somme l’homme est son compagnon de chaîne, et non point son maître, car lui aussi travaille. Au point de vue social, n’y a-t-il point un abîme entre l’oisiveté énervante d’une esclave et l’activité laborieuse d’une associée ?

Nous errons toujours, mon Coréen et moi, dans les rues de la ville, à la recherche de « souvenirs ». La monotonie des constructions, fort misérables en apparence, commence à me fatiguer. Je demande à mon guide s’il y a quelque curiosité à visiter, et pour me satisfaire il me conduit sur les remparts.

J’avoue qu’en réunissant nos connaissances il nous est impossible de nous orienter. Seulement, en nous penchant par-dessus les parapets, il me semble ne rien reconnaître du chemin par lequel nous étions arrivés le matin. Au pied de la muraille s’étend une immense mer de verdure ; ici c’est la teinte sombre des blés encore en herbe ; là la teinte plus jaune des champs de millet, la pomme de terre du nord de la Chine et de la Corée ; et, çà et là, sur ce fond vert se détache un point blanc qui va et vient. Ce sont des agriculteurs se livrant aux travaux des champs. À peu de distance de nous, deux bœufs labourent le bout d’un champ, tandis qu’à l’autre extrémité des hommes et des femmes arrachent et récoltent de magnifiques carottes.

À l’arrière-plan, comme fond de tableau, toujours des collines, sans un arbre ; sur le faîte, un bâtiment au toit relevé aux angles dessine sa silhouette sur un ciel napolitain, et aux alentours des bœufs broutent l’herbe maigre qui croît sur la colline. Ce sont là les troupeaux qui fournissent aux Japonais les peaux qui constituent, avec la poudre d’or et le riz, les principaux produits d’exportation du port de Fou-sang.

Le grand bâtiment qui domine tout le paysage est, paraît-il, un