Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/76

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possible de voir comment il s’était opéré, sans doute à cause de l’étourdissement où se trouve le spectateur au moment où il est exécuté. Il porta l’enthousiasme de la foule à son comble ; les danseurs, jugeant leur but atteint, ralentirent petit à petit leur mouvement, et finirent par s’arrêter. Ils formaient alors deux cercles dont le plus grand était formé des bonzes, et le plus petit des enfants ; chaque bonze avait devant lui un enfant qu’il plaça sur son épaule, et se mit à circuler, tout en dansant, au milieu des spectateurs, tandis que le bonhomme, perché sur son dos, faisait une quête parmi ces derniers. La générosité du public était, sans doute, proportionnée à ses moyens, mais elle nous parut représentée par un nombre fort restreint de sapèques, les Coréens employant eux aussi cette gênante monnaie de cuivre inventée par les Chinois. Ces derniers ont un dicton : « Il faut, disent-ils, dix familles pour entretenir un bonze » ; les Coréens font mieux, ils les obligent à s’entretenir eux-mêmes, comme ils l’entendent, leur réservant seulement le monopole des exercices chorégraphiques.

Après le ballet commence la représentation théâtrale ; c’est une comédie que l’on joue, mais nous n’y comprenons rien. Cependant, il y a certains jeux de scène enfantins qui sont les mêmes qu’en Chine, ce qui fait que, par ci par là, je saisis une bribe de l’action. Comme sur les planches de Pékin et de Canton, l’acteur montre qu’il est monté à cheval en se mettant à marcher les jambes écartées, tout en fouettant à tour de bras sa monture imaginaire. Puis viennent des sièges de ville représentés d’une façon tout aussi rudimentaire, le tout accompagné d’une musique si tapageuse que je ne puis entendre aucune des explications que le bon Zoï veut bien me donner.

La représentation finie, nous reprenons le chemin du palais ou nous avons pris nos repas, et qui doit nous donner asile pour la nuit. Sur le chemin, les passants sont plus nombreux ; la foule des spectateurs, qui n’était arrivée que graduellement, se disperse d’un seul coup, et les rues prennent, pour quelques temps, une certaine animation. Dans notre gîte, deux gardes coréens nous attendent avec des lanternes japonaises ; ils nous conduisent dans un taudis, où nous ne pouvons pénétrer qu’à quatre pattes. Aucun mobilier, même rudimentaire ; la pièce ne contient d’autre objet qu’une vieille natte en poils de chameau qui recouvre le sol de briques, et sert tout à la fois de table, de siège et de matelas. À peine