Page:Jametel - La Corée avant les traités, souvenirs de voyages.djvu/84

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ment éclairés, l’un devant moi et l’autre derrière, qui montraient là où étaient l’échelle du bord du navire que je venais de quitter et celle du vaisseau japonais. J’essayai de suivre le contour de la côte, à partir du village japonais, en allant dans la direction de Fou-sang ; le bruit monotone et prolongé du flux, qui éparpillait ses ondes sur la surface unie de la plage, me permettait de me maintenir assez bien dans cette direction ; mais l’obscurité m’empêchait de distinguer quoique ce fût sur la terre ferme.

Après avoir couru quelques bordées à portée de la terre, je me décidai à aller accoster le stationnaire japonais pour y prendre langue. Au moment où j’en approche, une superbe gerbe de fusées surgit d’un point de la côte, s’élève avec un sifflement sourd, et va se résoudre en l’air en une pluie d’étoiles de toutes les couleurs. Grâce à cette lumière d’un instant, je vis bien la situation du navire japonais, et en quelques coups de rames, nous étions arrivés au bas de l’échelle du bord. Une lanterne en descend pour voir ce que nous voulons ; mais presque aussitôt une voix, partant du pont, me demande en anglais ce que je désire. Du canot même je réplique en demandant à cette voix s’il lui serait possible de satisfaire ma curiosité, et de me dire en l’honneur de quel saint on brûle, à terre, tant de poudre. Il m’est répondu que c’est une fête officielle japonaise que le représentant du Mikado célèbre de son mieux au consulat, où se trouvent réunis tous les officiers de marine ses compatriotes.

Ainsi renseigné et rassuré, je vire aussitôt de bord sans perdre un instant à bavarder avec mon informant. Mon plan d’action aussitôt conçu est mis à exécution. Je charge le quartier-maître de porter à bord la rassurante nouvelle, après m’avoir déposé à terre, où je vais profiter de l’invitation de Mouchachia. Seulement, quand je débarque, je ne rencontre point, comme à l’ordinaire, un policeman japonais qui, sous prétexte de me protéger, doit espionner mes faits et gestes. Mon arrivée à terre n’a point été prévue par les autorités, ce qui ne laisse pas que de m’embarrasser ; j’ai parcouru plusieurs rues sans rencontrer un agent de police qui puisse me renseigner au sujet de la demeure où je me rends. J’essaie de trois ou quatre passants qui ne me comprennent sans doute point, et me répondent par un torrent de paroles que je comprends encore moins. Enfin je me décide à frapper à la première porte venue, et cela faisant je n’ai aucune crainte de réveiller les habitants, car