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ce continent en miniature[1]. Depuis lors, les naufrages se sont succédé dans ces parages ; mais les épaves humaines que le destin jetait à Quelport n’étaient point aussi à plaindre que celles qui allaient s’échouer sur la côte coréenne. Les habitants de cette île se sont souvent montrés fort civilisés à leur égard, et il y a deux ans à peine, l’équipage d’un navire américain, la Mary, qui fit un séjour assez long à Quelport, après la perte de ce navire, n’a eu qu’à se louer des procédés de ses habitants[2].

Je n’ai pu découvrir d’où venaient les noms de Quelport, Quelpaert, Quelqueport, sous lesquels on désigne l’île que nous avons devant nous, car les indigènes l’appellent Anaichicin. C’est un exemple des deux difficultés que présentent les noms géographiques. D’abord le remplacement du nom indigène par une appellation qui peut donner lieu à des malentendus avec les habitants de certaines régions, puis les irrégularités dans l’orthographe des noms conventionnels chinois, irrégularités dont M. A. d’Abbadie a démontré les inconvénients en une savante étude publiée au Bulletin de la Société de Géographie, troisième trimestre de 1882. Il y cite l’exemple d’une petite ville d’Afrique, Massouah, dont le nom s’écrit de vingt façons différentes.

L’île de Quelport, — je prends l’orthographe de nos cartes marines — semble être formée par le cône d’un volcan éteint ; son sol fertile nous laisse voir en passant de riches moissons de céréales, de navets et de sarrasin. Nous apercevons même, sur une espèce d’embarcadère naturel formé par une roche, une paire de bœufs qui attendent, sans doute, quelque fardeau pour la ville. Les productions de l’île doivent être, du reste, assez considérables, car divers auteurs lui donnent une population de 10 000 âmes, répartie entre trois villes, ce qui est beaucoup pour un espace aussi restreint.

Le laïoncha, gouverneur de l’île, les prioncha, juges de district, et les deux commandants militaires sont les seuls fonctionnaires du pays qui soient nommés directement par la cour de Séhoul. Leurs subalternes sont des indigènes qui se transmettent leurs

  1. Le récit de ce capitaine a été publié dans un ouvrage, aujourd’hui fort rare, qui contient une collection de documents du plus haut intérêt. En voici le titre : Recueil des voyages au nord, contenant divers mémoires très utiles au commerce et à la navigation. Amsterdam, J.-F. Bernard, 1731-1734. 7 volumes in-12.
  2. J’ai raconté les aventures de ces naufragés dans une étude sur « la Corée et les puissances européennes », publiée dans l’Économiste français du 26 août 1882.