Page:Jammes - De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir.djvu/249

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Voici le pharmacien aux boules vertes et rouges,
voici le cordonnier des pauvres pauvres gens,
voici la mercière aussi grise qu’un songe
dans sa pauvre boutique où entrent peu de chalands.

Voici mon métayer avec ses mains calleuses
qui a coupé la tuie sur le coteau aride
et dont le cou de brique garde de saintes rides.
Voici le ronflement des tremblantes batteuses.

Voici les petits garçons revenant de l’école,
de l’encre aux doigts, avec de modestes cartables,
voici les chevaux lourds et luisants des gendarmes,
voici les marchandes d’agneau frisées aux tempes.

Voici le facteur rural qui va là-bas,
vers les chemins qui sont comme des fleurs en ruisseaux,
voici les moineaux roux plus doux que des enfants,
voici les pigeons bleus plus doux que des moineaux.

Voici le cimetière à la tristesse gaie,
où, un jour, si Dieu veut, je m’en irai dormir…
Je veux des églantiers plus doux que des désirs…
Allez, et cueillez-les dans la plus belle haie.