Page:Jammes - De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir.djvu/291

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Comme à lui, on me jette des ordures :
les oiseaux jacasseurs, aux riches plumages,
laissent tomber sur moi des fientes du haut des arbres :
mais je rends en argent ces éclaboussures.


LE RUISSEAU

L’âme du poète descend sur la Terre.
Le poète, c’est moi, puisque je coule comme son sang,
et que je chante, et que je prie, en m’écorchant
aux ronces, pour aller me perdre dans la Mer.

Comme lui qui traîne, jusqu’à la mort, les feuilles
où il a écrit en pleurant la grande Nature,
je traîne les feuilles en or que je recueille,
en passant dans les bois, et sous elles je pleure.


LA FOUGÈRE

L’âme du poète descend sur la Terre.
Le poète, c’est moi, car j’ombrage le front des ânes
et les champignons en poison comme les hommes,
et mes feuilles sont ornées comme un poème.

Lui, c’est moi, car je jaunis et je suis cassante,
et me brise lorsque les larmes de la pluie
tombent sur moi, comme celles des pauvres gens
sur son âme qui en meurt petit à petit.